L’Islam affirme que le but ultime de la religion est d’aider à rendre la vie, la société et l’humanité prospères (muflihun).
Le terme « réussite » se définit comme l’atteinte des objectifs de la vie, tels qu’ils sont énoncés dans le Coran : une personne consciente de Dieu, benevole, compatissante, consciencieuse, humble, en paix avec elle-même et favorisant la paix et l’harmonie entre tous les êtres humains.
Le Coran proclame que toutes les écritures religieuses – celles qui n’ont pas été modifiées par l’homme – proviennent de Dieu, et qu’elles doivent être en accord. Il précise que cet état de réussite s’obtient par la foi en le Créateur et Nourricier (Rabb), par l’observance de Ses lois morales, par la pratique de la justice et de l’équité, ainsi que par des actes de bonté et de compassion envers autrui. Au centre de cela se trouve la conscience humaine (fitratallah), cette boussole morale innée que Dieu a confiée à chaque humain.
Respecter cette nature donnée par Dieu, la fitrah, est considéré comme la véritable religion pour toute l’humanité (an-nas), comme il est mentionné dans la Sourate Ar-Rum (30:30). Comprendre ce concept est fondamental pour saisir l’enseignement du Coran sur la vie individuelle et collective au sein d’une communauté.
De plus, l’Islam inculque l’humilité, le respect des autres et une forte inclination à rechercher des terrains d’entente dans la diversité, comme le souligne la Sourate Al-Imran (3:64) : « Dis : Ô gens du Livre ! Venez à ce qui est équivalent entre nous et vous : que nous n’adorons qu’un seul Dieu. »
Hazrat Ali, quatrième calife de l’islam, a exprimé avec éloquence cet esprit de pluralisme dans une lettre adressée à l’un de ses gouverneurs, Malik al-Ashtar : « Souviens-toi, Malik, qu’il n’y a parmi ton peuple que deux types : tes frères en foi et tes égaux en humanité. »
La piété de chacun se mesure par son degré de réussite. Et seul Dieu détient le droit exclusif de juger de cette piété, indépendamment des différences apparentes.
Le Coran affirme aussi explicitement que la diversité est une volonté délibérée de Dieu dans Sa création. Comme il est dit dans la Sourate Al-Ma’idah (5:48) : « Pour chacun de vous, Nous avons désigné une législation et une voie ; si Allah avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais afin de vous éprouver par ce qu’Il vous a donné, Il a voulu la diversité. Faites la course aux bonnes œuvres ! C’est vers Allah que vous retournerez tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez. » (traduction de Muhammad Asad)
Cette mentalité et ces valeurs favorisent une coexistence pacifique et une culture pluraliste, tant dans une société qu’au sein de l’humanité tout entière.
Ce cadre encourage l’humanité à coopérer et à rivaliser dans la bienfaisance, plutôt que de créer des conflits et des divisions inutiles. Cet esprit de pluralisme et d’universalisme chez l’islam constitue le fondement essentiel pour comprendre les principes coraniques concernant la gouvernance d’une communauté ou d’une société.
Durant l’âge d’or de l’islam, des savants musulmans ont collaboré avec des penseurs chrétiens et juifs, ce qui a permis des avancées remarquables en sciences, philosophie, mathématiques, médecine et gouvernance. Ces progrès ont par la suite profondément influencé le Siècle des Lumières en Europe, en alimentant les discours sur les droits de l’homme, la souveraineté populaire et la démocratie — des concepts qui remettaient en cause la monarchie et les systèmes autoritaires.
Ces penseurs ont inspiré les leaders américains lors de la fondation de leur nation, notamment pour lancer la Révolution américaine, un événement sans précédent dans l’histoire moderne. La Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776) affirmait que tous les hommes sont créés égaux, possédant des droits inaliénables tels que la vie, la liberté et la recherche du bonheur — principes inscrits dans la Constitution américaine, souvent considérée comme une base de la démocratie moderne. Or, avant cette déclaration, le Coran avait déjà énoncé des idées similaires concernant la dignité humaine, l’égalité et les droits.
Principes islamiques sur la gouvernance et les droits de l’homme
Le Coran, composé de plus de 6 000 versets, ne dicte pas un système politique rigide. Il propose plutôt des principes moraux durables, guidant les sociétés vers la justice, l’harmonie et le progrès. Sa nature flexible permet une adaptation aux différentes époques et cultures, tout en restant fidèle à des normes éthiques universelles.
La souveraineté de l’humanité en tant que khalifa de Dieu
Selon le Coran (2:30, 6:165, 27:62, 35:39), tous les humains sont khalifa, c’est-à-dire représentants ou vice-gouverneurs de Dieu sur terre. Ce rôle confère à chaque individu une dignité, une égalité et des droits intrinsèques, indépendamment de ses différences. La souveraineté collective appartient au peuple, qui doit donner son consentement (bay’ah) à ses dirigeants.
La grandeur de l’homme est immensément honorée par Dieu, comme le montre la Sourate Al-Isra (17:70), où même les anges sont ordonnés de se prosterner devant Adam, symbolisant la dignité inhérente à l’humanité. En conséquence, le gouvernement doit reconnaître chaque personne non comme un sujet, mais comme un citoyen libre et honorable. La notion de droit à l’autodétermination — essentielle dans la démocratie moderne — trouve ainsi ses racines dans la vision coranique.
En tant que représentants de Dieu, les humains disposent du libre arbitre et sont responsables devant Lui. Cette liberté est fondamentale dans l’enseignement coranique, y compris pour la foi : « Il n’y a pas de contrainte en religion » (2:256). La croyance en le Jour du Jugement repose aussi sur la responsabilité individuelle, inscrite dans la liberté de choix.
La sacralité de la vie et le droit à la légitime défense
La vie est sacrée en islam. Le Coran (17:33) affirme que la protection de la vie prime sur tout, soulignant que Dieu a insufflé Son esprit dans l’homme (15:29 ; 38:72).
De plus, tuer un innocent équivaut à tuer toute l’humanité, et en sauver une seule revient à sauver l’humanité entière (5:32). La vie est donc inviolable.
Le droit à l’autodéfense est aussi un droit fondamental face à l’injustice et à l’oppression. Les croyants sont d’abord encouragés à agir pacifiquement. Cependant, si ces efforts échouent, la résistance armée est légitimée pour défendre ses droits et rétablir la justice (42:39). Cette règle est compatible avec le droit international moderne, tels que ceux inscrits dans la Charte de l’ONU, qui reconnaissent le droit de résister à l’occupation et à l’oppression.
Le Coran indique également que la persistance de l’injustice et de l’oppression est un mal supérieur à celui du meurtre. Les croyants doivent mener le « jihad », qu’il soit pacifique ou armé, jusqu’à ce que paix et justice divine soient établies (notamment dans la lutte contre l’injustice).
Le droit à la vie privée est également fondamental ; l’islam interdit la surveillance et l’intrusion injustifiées dans la vie des individus (49:12).
Au-delà, l’islam insiste sur la nécessité de respecter tous les droits, qu’il s’agisse des engagements, des relations familiales, des contrats ou des liens sociaux. Un gouvernement juste doit sauvegarder ces droits avec intégrité et impartialité.
La consultation, la raison et l’équilibre dans la gouvernance
La gouvernance islamique doit reposer sur la consultation (shura) et la décision collective (ijma), comme le souligne la Sourate Ash-Shura (42:36-38). Un système parlementaire, un comité de juges ou un conseil de ministres au service du dirigeant respectent ces principes fondamentaux de prise de décision démocratique.
Des contrôles et des équilibres sont essentiels pour éviter dysfonctionnements, chaos et instabilité. En Islam, cela se retrouve dans la sourate Al-Baqarah (verset 251) et dans la sourate Al-Hajj (verset 40), qui insistent sur la nécessité d’une saine gouvernance. La prise de décision doit également s’appuyer sur le raisonnement (ijtihad) et la comparaison (qiyas), afin que lois et politiques soient adaptées au contexte contemporain avec justice et bon sens.
Le Coran critique à plusieurs reprises ceux qui négligent leur faculté de raisonner (aql). Ces outils sont cruciaux pour la recherche du savoir et la compréhension. Pour prévenir injustices et dysfonctionnements, il est vital d’exercer l’ijtihad, l’ijma, le qiyas, et surtout l’usage de la raison (aql) dans toute décision.
La justice comme pilier central de la société islamique
Le Coran met en avant l’importance capitale de la justice (adl ou qyst). Il exige un équilibre entre libertés individuelles et droits collectifs pour préserver l’ordre et la sécurité. La justice et l’équité sont des principes fondamentaux de l’islam pour une vie et une organisation sociales justes.
Un contrat social est aussi prévu dans l’enseignement islamique : chaque citoyen, musulman ou non musulman, a des droits et responsabilités égaux, notamment en matière de défense et de bien-être collectif. Par le passé, les musulmans payaient la zakat, tandis que les non-musulmans versaient la jizya. Aujourd’hui, ce rôle est souvent joué par des impôts prélevés selon une procédure équitable.
Les citoyens doivent respecter la loi, contribuer au bien-être de l’État et protéger la société. Le pouvoir ou le gouvernement a pour responsabilité de sauvegarder ces droits, d’assurer l’intérêt général et de promouvoir la justice sociale.
En résumé, l’islam imagine une société pluraliste, juste et compatissante, fondée sur le respect de la dignité humaine, la liberté et la responsabilité collective — principes qui continuent d’inspirer et de rester pertinents.






