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Désir ou sagesse divine : Quelle est la voie à suivre ?

Nous vivons souvent en croyant que nos désirs connaissent le mieux nos intérêts, que ce qui nous rend heureux doit forcément être bon pour nous. Pourtant, Allah, dans Sa Clémence et Sa Sagesse infinies, nous enseigne autrement. Il arrive que ce que nous espérons ou désirons puisse nous nuire, tandis que ce que nous craignons ou résistons pourrait receler un bien inimaginable.

Dans une époque où la quête personnelle, la gratification immédiate et l’émotion impulsive prennent le pas sur la réflexion, le Coran, à sa façon unique, nous rappelle humblement : tout ce que nous aimons n’est pas nécessairement bon pour nous, et tout ce que nous détestons n’est pas toujours mauvais pour nous.

Reconnaître que nos préférences ne garantissent pas leur bienfait

Un verset du Coran nous avertit :

«…Mais peut-être que vous haïssez une chose qui est pour vous une bénédiction, ou que vous aimez une chose qui est pour vous un mal. Allah sait, tandis que vous ne savez pas.» (Surat Al-Baqarah (2:216))

Ce verset ne se limite pas à une révélation ; il formule une philosophie de vie. Il nous invite à faire preuve d’humilité et à faire confiance, car Allah sait, alors que nous, humains, ignorons. Combien de fois avons-nous désiré quelque chose qui, en fin de compte, s’est avéré nuisible ou indésirable ? Et à l’inverse, combien de fois avons-nous redouté une situation qui s’est révélée bénéfique ?

Le désir n’est pas synonyme de profit

L’être humain est naturellement attiré par ce qui brille—qu’il s’agisse de richesse, de statut, de relations ou de plaisirs. Pourtant, ce qui semble attrayant en surface peut, au fond, corrompre l’âme. Le verset nous met en garde : même ce que nous aimons passionnément peut devenir source de préjudice, moral, spirituel ou même physique. Ce principe s’applique à tous les domaines de la vie :

  • Une carrière apparemment lucrative pourrait nous éloigner de nos prières et valeurs spirituelles.
  • Une cupidité pour l’accumulation de richesses pourrait fragiliser nos liens familiaux ou sociaux.
  • Une relation que nous poursuivons intensément pourrait affaiblir notre lien avec Allah.
  • Un mode de vie que nous admirons pourrait nourrir l’arrogance, l’égoïsme ou l’indifférence.

L’amour pour la dunya (la vie mondaine) peut avoir un effet intoxiquant, nous aveuglant face aux dangers invisibles qu’elle recèle. Mais Allah voit ce que nous ne pouvons percevoir.

Les détours divins : une miséricorde déguisée

Parfois, Allah retient ce que nous désirons ardemment—non pas pour nous punir, mais pour nous protéger. Une opportunité rejetée, une supplication qui reste sans réponse, ou une relation qui n’a jamais vu le jour, peut être un bouclier contre des malheurs invisibles. La peine du moment peut sembler insurmontable, mais avec le temps et la foi, on comprend la miséricorde cachée derrière ce rejet apparent.

L’histoire de l’islam regorge d’exemples où cette philosophie s’est manifestée, et elle continue d’être une référence pour l’humanité jusqu’à la fin des temps.

Exemples de détours divins : leçons de vie

  1. Les deux fils d’Adam : un désir qui a causé la tragédie

Le premier conflit humain survenu sur terre fut celui entre Qabil, le fils d’Adam (alayhis salam), et son frère Habil. Qabil voulait épouser sa sœur jumelle, mais Allah avait interdit cette union. La loi divine stipulait qu’un des jumeaux devait épouser l’autre non-jumeau. Pourtant, Qabil, consumé par le désir, rejetait cette instruction divine et jalousait son frère. La tragédie s’ensuivit : par jalousie, il tua Habil, devenant ainsi le premier assassin de l’humanité. Cet épisode illustre clairement le danger de suivre aveuglément ses passions, même si elles vont à l’encontre de la sagesse divine. Son désir, privé de guidance, l’a mené à sa perte.

  1. Ibrahim & Ismaïl (Alayhimas Salaam) : une épreuve inscrite dans l’éternité

La plus douloureuse des épreuves imposa à Ibrahim (alaihissalam) de sacrifier son fils bien-aimé, Ismaïl. Pour tout parent, cette demande semblait insupportable. Pourtant, l’homme et son fils acceptèrent tout deux, sans hésitation. Quand Ibrahim leva le couteau, Allah intervint en substituant Ismaïl par un djib (bélier). Leur soumission totale devint un symbole universel de foi, commémoré chaque année lors du Hajj. Ce moment, qui semblait être une perte personnelle, est devenu une légende d’amour et de dévotion, perdurant à travers les siècles.

  1. Yusuf (Alayhissalam) : de la prison à la grandeur

Falsement accusé, Yusuf (alayhissalam) fut jeté en prison, loin de toute perspective de justice. Là, il interpréta les rêves des prisonniers, dont la renommée parvint jusqu’au roi. Sa liberté redonnée lui permit d’accéder à une haute fonction en Égypte, surveillant les réserves alimentaires en pleine crise. Ce qui semblait un revers fut en réalité un escalier vers la gloire, dicté par la sagesse divine.

  1. Madyan : un acte discret, une vie transformée

Après avoir fui l’Égypte, Moussa (Alayhissalam) arriva à Madian, seul et fatigué. Sans plan précis, il aida deux femmes à abreuvé leur troupeau, puis invoqua Allah avec sincérité :

« O mon Seigneur, je suis dans un besoin urgent de tout bien que Tu pourrais m’envoyer. » (Surat Al-Qasas 28:24)

Ce moment d’humilité fut décisif : il trouva un refuge, une tâche significative et épouse d’une des femmes qu’il avait aidées, issue de la famille du prophète Shuayb (alayhissalam). La misère devint étape de sa paix retrouvée, après des années de tourments. Ce simple acte fit basculer sa vie.

  1. Taaif : la douleur qui mène à l’avancement

Notre Prophète Muhammad (ﷺ) se rendit à Taaif, cherchant du soutien après le rejet à Makkah. Il fut insulté, battu, chassé, ses pieds ensanglantés témoignent de sa souffrance. Pourtant, cet épisode douloureux précéda :

  • Son voyage nocturne (Isra et Mi’raj), qui rehaussa son rang comme jamais auparavant.
  • Le message de l’Islam pénétra le royaume des djinns lorsque certains embrassèrent la foi après avoir écouté le Coran.
  • Les habitants de Médine acceptèrent l’islam, fondant un État islamique prospère.

L’échec de Taaif n’était en réalité qu’un redémarrage vers un dessein plus grand. La sagesse divine orienta ses pas vers un meilleur avenir.

  1. Le traité de Hudaibiyyah : la paix menant à la victoire

Lorsque le Prophète Muhammad et ses compagnons se mirent en route pour la Omra, ils furent arrêtés à Hudaibiyyah par les Quraysh. La paix qui en découla parut désavantageuse pour les musulmans :

  • Ils durent rebrousser chemin sans accomplir la Omra.
  • Tout Qurayshi fugitif vers Médine devait être renvoyé. En revanche, pas l’inverse.
  • Le Prophète accepta de retirer « Messager d’Allah » du traité.

Ce traité, jugé humiliant par beaucoup, notamment Omar ibn al-Khattab, n’était perçu que comme une concession temporaire. En réalité :

  • En deux ans, la dawa islamique se diffusa plus que durant les dix-neuf années précédentes.
  • De nombreux Qurayshites importants embrassèrent l’islam.
  • Les Quraysh trahirent le traité en rompant l’accord, donnant ainsi aux musulmans la prétexte parfait pour conquérir Makkah pacifiquement. La victoire, promise dans la sagesse divine, finit par s’imposer sans effusion de sang.

Ce qui semblait une défaite fut en vérité une victoire divine stratégique.

Delay is not denial — c’est la conception divine

Qu’un récit relie ces exemples ?

  • Le fils d’Adam, dans sa passion, a tout perdu.
  • Le sacrifice d’Ibrahim, qui paraissait séparation, a laissé une lignée de foi éternelle.
  • La prison, loin d’être une fin pour Yusuf, fut le prélude à sa grandeur.
  • Madyan, qui sembla un exil pour Moussa, lui offrit compagnie et mission.
  • Taaif, qui semblait une impasse, ouvrit la voie vers Médine.
  • Le traité de Hudaibiyyah, présenté comme déséquilibré, conduisit à la victoire de Makkah.

Souvent, nous jugeons à tort ce qui est substantiellement bénéfique ou nuisible. Pourtant, la connaissance et la sagesse d’Allah dépassent notre vision limitée. Sa miséricorde se cache dans des moments qui semblent injustes. Ce qui paraît amer aujourd’hui s’embellira demain, si nous faisons confiance en la sagesse divine. Lorsqu’Allah retarde, Il ne renie jamais—Il prépare, dans Ses plans invisibles, la réelle victoire.

Faire confiance à Allah même dans la douleur

Vous traversez peut-être une épreuve que vous n’auriez jamais souhaitée : rupture, échec, opportunité manquée, solitude ou rêve retardé. Mais peut-être—juste peut-être—ce que vous évitez est précisément ce dont votre âme a besoin.

Notre Prophète ﷺ nous enseigne :

« Celui qui abandonne quelque chose pour Allah, Allah le remplacera par quelque chose d’encore meilleur. » (Musnad Ahmad)

Lâcher prise sur ce qui nous plaît, quand cela déplaît à Allah, n’est pas une perte, mais un échange divin contre un bien supérieur.

Celui qui voit ce que nous ne voyons pas

Le dernier aspect du verset — « Allah sait, alors que vous ne savez pas » — n’est pas seulement une consolation, c’est une leçon claire. Il nous apprend à faire plus confiance, à laisser de côté nos désirs pour nous soumettre à Sa sagesse divine.

Alors, lorsque la vie ne se déroule pas comme prévu, souvenez-vous :

  • Vous ne voyez pas tout.
  • Le retard peut dissimuler une bénédiction.
  • La douleur actuelle peut écrire votre héritage.
  • Confiez votre cœur à Celui qui perçoit ce que vous ignorez.

L’islam, dans toute sa beauté, ne se limite pas à des rites ; il nous enseigne également des leçons de vie, valables en tout temps.

Conseils pratiques pour appliquer cette confiance divine

  • Avant une décision importante, récitez deux rak’ahs d’Istikhara pour demander à Allah ce qui est le mieux.
  • Aidez quelqu’un dans le besoin, même modestement, puis faites une dua sincère pour apaiser votre cœur.
  • Adoptez la habitude quotidienne de dire : « Hasbuna Allah wa ni’ma al-wakil » et faites confiance au timing d’Allah.
  • Souvenez-vous toujours : « Allah sait, et vous ne savez pas »—entrez dans chaque situation avec des pensées positives envers Allah.

Que Allah nous donne la force d’apprécier Sa sagesse dans tout ce qu’Il décrète pour nous. Amine.

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Avatar de Abdelhafid Akhmim