La France, une nation qui se vante de « liberté, égalité et fraternité », chasse des milliers de familles musulmanes du pays en créant une atmosphère toxique et islamophobe, affirme un chercheur. Rayan Freschi.
Une étude récente menée par des chercheurs a révélé qu’au moins 10 000 familles musulmanes – potentiellement 30 000 à 40 000 personnes – ont quitté le pays, fuyant la discrimination systémique qui imprègne l’emploi, l’éducation et la vie publique.
Ce phénomène n’est pas simplement une statistique ; il s’agit d’une tragédie humaine qui soulève des questions urgentes sur l’engagement de la France envers ses propres valeurs et sur ses implications plus larges pour les communautés minoritaires d’Occident.
Une législation restrictive
Les défis auxquels sont confrontés les musulmans en France sont multiformes et enracinés dans un ensemble de législations et de politiques restrictives ciblant leurs expressions religieuses et culturelles.
Depuis 2004, le hijab est interdit dans les écoles publiques, une politique qui oblige les filles musulmanes à choisir entre leur éducation et leur foi.
Le niqab est interdit dans tous les espaces publics, criminalisant ainsi un choix religieux personnel.
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Ces lois, formulées sous la bannière de la laïcité française, ou laïcité, sont souvent justifiées comme des mesures visant à protéger la cohésion nationale. Cependant, ils marginalisent de manière disproportionnée les musulmans, signe que leurs croyances et pratiques sont incompatibles avec l’identité française.
Au-delà des restrictions vestimentaires, l’État français a mis en œuvre une politique d’« obstruction systématique » visant à démanteler la société civile musulmane.

Depuis février 2018, au moins 1 000 organisations musulmanes – allant des mosquées aux entreprises comme les restaurants – ont été fermées, et 30 000 autres ont été victimes de harcèlement lors de descentes inopinées et de contrôles administratifs.
Le bilan financier est faramineux : 55 millions d’euros d’avoirs ont été saisis auprès de la communauté musulmane depuis 2018.
Ce ciblage agressif s’étend au-delà des institutions religieuses, affectant toute entreprise dirigée par des musulmans, créant un environnement dans lequel la survie économique devient une lutte quotidienne.
Pour les parents musulmans, la situation est particulièrement désastreuse. L’interdiction de facto de l’enseignement à domicile, fortement favorisée par de nombreuses familles musulmanes, a éliminé une option vitale pour ceux qui cherchent à éduquer leurs enfants conformément à leurs valeurs.
Les écoles islamiques privées, qui ne sont qu’environ 90 dans tout le pays, ne constituent pas une alternative viable pour la plupart, car elles sont constamment harcelées par l’État ou carrément fermées.
Les écoles publiques, quant à elles, appliquent des politiques laïques strictes : non seulement le hijab est interdit, mais même la prière est interdite, des enseignants appelant les services sociaux ou la police lorsque des enfants sont surpris en train de prier.
De telles actions envoient un message effrayant : l’identité musulmane n’est pas la bienvenue dans le système éducatif français.
Cette exclusion systémique a de profondes conséquences. Les parents qui souhaitent élever leurs enfants dans la religion musulmane pratiquante ont souvent le sentiment qu’ils n’ont d’autre choix que de quitter la France, à la recherche de pays où les établissements d’enseignement ne sont pas en contradiction avec leurs croyances.
Hijra
Les résultats des chercheurs suggèrent que cette migration n’est pas uniquement liée à la discrimination dans l’emploi, même si les obstacles à l’emploi dus à une identité musulmane visible, comme le port d’un hijab ou le fait d’avoir un nom à consonance musulmane, sont bien documentés.
Il s’agit également d’assurer un avenir où leurs enfants pourront grandir sans crainte de persécution ou d’assimilation forcée.
La rhétorique du gouvernement français, illustrée par la campagne de l’ancien président Emmanuel Macron contre le « séparatisme », présente ces politiques comme une défense contre le radicalisme. Pourtant, le ciblage généralisé des communautés musulmanes – allant jusqu’à poursuivre en justice des militants pour avoir utilisé des termes comme « intifada » dans des discours pro-palestiniens – suggère un programme plus large d’effacement culturel.
La fermeture d’organisations, la saisie d’actifs et le harcèlement d’individus ne sont pas de simples mesures administratives ; ils constituent une forme de persécution sanctionnée par l’État qui étouffe la voix des musulmans et restreint leur capacité à participer à la vie publique.

Malgré cette répression, des lueurs de résilience apparaissent. Depuis 2021, de nouvelles voix musulmanes ont émergé, affirmant leur droit à exister et à s’exprimer.
Les militants continuent de contester le rétrécissement de l’espace civique, même face aux descentes de police et aux assignations à résidence, comme on l’a vu lors d’événements comme les Jeux olympiques.
Ce défi souligne une vérité cruciale : la lutte pour les droits des musulmans en France n’est pas seulement une question de survie mais aussi une question de récupération dans une société qui cherche à les marginaliser.
La situation en France sert d’avertissement aux autres démocraties occidentales. Les politiques et pratiques ciblant les musulmans – sous couvert de laïcité ou de sécurité nationale – pourraient créer un précédent et éroder les droits d’autres minorités ailleurs.
La solidarité devient donc un outil vital. Pour ceux qui vivent en France, l’activisme reste la voie la plus viable. S’engager dans la sphère publique, amplifier les discours musulmans et bâtir des coalitions sont essentiels pour contrer l’oppression systémique.
Pour ceux qui ne le sont pas, il est crucial de surmonter la barrière de la langue pour rester informé. En suivant le travail des organisations de base, le public mondial peut mieux comprendre les enjeux et plaider en faveur du changement.
Le monde nous regarde et les leçons de la France résonneront bien au-delà de ses frontières.
Rayan Freschi est chercheur au CAGE basé à Paris. Il documente la persécution anti-musulmane en France.






