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Adoration sans connaissance : un risque pour votre âme et votre foi

La mission terrestre de l’homme comporte deux volets fondamentaux : connaître et adorer le Créateur. La connaissance couvre tous les sujets liés au Tout-Puissant Allah, le Créateur, à l’humanité en tant que vice-gérant d’Allah sur Terre, ainsi qu’au domaine de la création, qui constitue la scène où l’existence se déploie.

En réalité, l’objectif ultime reste l’adoration, mais cette adoration ne peut se réaliser qu’à travers la connaissance. Celle-ci en est le moyen, la nécessité, et la valeur essentielle. Il n’y a pas d’adoration valable sans connaissance authentique, et cette connaissance dépend en retour de l’adoration et des vérités ontologiques qui lui sont liées. Par conséquent, il ne peut y avoir de véritable connaissance sans adoration, tant en tant que concept qu’en pratique concrète.

Il en découle que, tout comme le devoir d’adorer Allah relève de la responsabilité individuelle, la quête de connaissance en fait également partie. Cette recherche commence par la connaissance de Lui, de son islam, puis de l’humanité, et enfin du monde. Cette hiérarchie de la connaissance entraîne logiquement une hiérarchie des sources, la connaissance révélée d’Allah étant à son sommet, inspirant et guidant les autres dimensions interconnectées.

Distordre les notions d’adoration et de connaissance, ainsi que les relations vivantes entre elles, brise l’équilibre naturel et peut engendrer de graves conséquences. Dans de telles circonstances, ni l’adoration ni la connaissance ne seront adéquates, ce qui déstabilisera l’ordre divinement prévu.

Ce processus n’affectera que l’homme et sa finalité de vie. Les complexités du dynamisme de la vie, qui reposaient sur l’alliance entre adoration et connaissance, se désintégreront, laissant l’individu et son destin dans une situation difficile, dépendant de ses ressources limitées. Une analyse attentive de l’histoire révèle un théâtre où les hauts et les bas de l’humanité se succèdent en fonction de la nature et de l’intensité des relations des peuples avec l’axe adoration-connaissance.

C’est pourquoi, dans l’éthique épistémologique islamique, il est fondamental que toutes nos actions soient entreprises uniquement pour la face d’Allah, que la connaissance soit perçue comme un don céleste offert à des fins spirituellement et moralement nobles, que celle-ci serve à édifier le caractère, et que l’ignorance soit considérée comme le plus grand obstacle à la construction des civilisations et à la recherche du bonheur dans cette vie comme dans l’au-delà.

L’ignorance comme origine des défis actuels des musulmans

Il est à la fois malheureux et indéniable que l’état religieux et civilisationnel des musulmans aujourd’hui soit précaire. Par rapport à ce qu’Islam incarne et à la manière dont l’âge d’or historique de la civilisation islamique a façonné la conscience humaine mondiale, la situation et le rôle actuels des musulmans sont à peine reconnaissables.

Les causes profondes de ces problèmes résident principalement chez les musulmans eux-mêmes, tout en étant, dans une moindre mesure, influencées par les intrigues complexes de leurs ennemis.

Personne ne peut nier qu’au sommet de leur civilisation et de leur raffinement culturel, les musulmans ont, peu à peu, commencé à se préoccuper des excès et des trivialités dans leur vie personnelle comme institutionnelle. On pourrait avancer que cette perte de cap était inévitable, conséquence du cycle de montée et de déclin des civilisations.

Néanmoins, étant confiés à la responsabilité de guider le monde par la guidance révélée ultime, beaucoup de musulmans auraient pu faire mieux. Leur déclin religieux et civilisationnel aurait dû être moins marqué, permettant une récupération plus rapide.

Les causes de ce recul peuvent être synthétisées ainsi : une priorité démesurée donnée aux intérêts politiques au détriment de la relation entre religion et connaissance, ce qui a mené à la manipulation de cette dernière pour des ambitions politiques ; une rupture, puis séparation, entre le leadership politique et religieux ou intellectuel ; une autonomie opérante de la politique, de la religion et de la connaissance, en contradiction avec la nature intégrée du message islamique ; et l’introduction d’éléments étrangers ou influents pour combler les lacunes laissées par ces défaillances.

Les conséquences les plus visibles touchaient la domaine de la connaissance : les gens se sont de plus en plus reposés sur les acquis passés, jouissant des fruits des luttes antérieures, ce qui a rapidement mené à l’apathie et à la baisse des standards.

Les problèmes se sont accumulés, conformément à la sunnatollah (la loi de l’univers divin), mais la capacité à les affronter, à les vaincre, ou à nager à contre-courant s’est progressivement effritée.

Comme la connaissance est essentielle pour l’adoration, la qualité même de cette dernière a ensuite été affectée. Sans la valeur inhérente de la connaissance, les individus oscillent sans cesse entre extrêmes. Tout semblait plus séduisant et plausible que la vraie nature bénéfique de l’Islam.

Les gens ont perçu l’Islam à travers des perspectives biaisées, donnant naissance à des images erronées et trompeuses. L’ignorance a engendré des malentendus, ceux-ci ont conduit à des jugements erronés, et ces derniers à des actes répréhensibles.

Pour corriger ces erreurs, au lieu de recourir à des diagnostics et des remèdes fondés sur la connaissance — rares et souvent inefficaces — on s’est appuyé sur l’ignorance elle-même. Ce cycle vicieux a alimenté davantage l’ignorance, et les torts existants ont généré d’autres torts, créant une spirale difficile à rompre.

Il n’est pas surprenant alors que, dans cette situation, toutes sortes d’injustices aient trouvé un terreau fertile : sectarisme, désunion, nationalisme, fanatisme, immoralité, impiété, scepticisme, fausses connaissances, pseudo-soufisme, fatalisme, et stupeur. Toutes ces oppositions authentiques aux valeurs et principes islamiques ont prospéré, car les gens manquent de la capacité de voir la réalité dans sa véritable lumière et de corriger leurs perceptions et comportements en conséquence.

Il est évident que l’ignorance aveugle, et le tort rend incapable. Ensemble, ils représentent la source la plus puissante de destruction.

Le rôle des ennemis de l’Islam

Bien que la faute principale en incombe aux musulmans eux-mêmes pour l’état désastreux dans lequel ils se trouvent, les rôles subsidiaires de leurs ennemis et de ceux qui s’opposent à la vérité doivent aussi être soulignés. Dès l’époque où le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui et sa famille) fut désigné Scellé des prophètes, ces ennemis et leurs efforts persistants ont émergé.

Au fur et à mesure que la mission de l’Islam s’étendait, le spectre de l’hostilité et ses acteurs respectifs s’élargissaient. Lorsque la globalisation de l’Islam a finalement été affirmée sur la scène mondiale, la riposte de ses adversaires est devenue également planétaire.

Ils semblaient tous unis par cet antagonisme contre leur ennemi commun : l’Islam et ses musulmans.

Ce contexte alarmant fut clairement décrit et averti par le Prophète, qui déclara : « Les gens vous convoqueront bientôt, l’un après l’autre, pour vous attaquer, comme des gens convoqueraient d’autres pour partager leur repas. »

Il précisa alors que, à cette époque, les musulmans seraient nombreux mais ressembleraient à une écume ou à des débris emportés par un torrent. Allah leur ôterait la crainte de leurs ennemis et leur insufflerait la faiblesse dans le cœur des musulmans.

Lorsque quelqu’un lui demanda : « Qu’est-ce que le wahn (la faiblesse) ? » Il répondit : « L’amour du monde et la répulsion de la mort » (Sunan Abi Dawud).

Dans le même ordre d’idées, Allah déclara dans le Qur’ân que, dans l’ensemble, ni les Juifs ni les Chrétiens ne seront satisfaits de la mission du Prophète (et donc des musulmans) à moins qu’ils ne suivent leur religion (al-Baqarah 120).

Par ces sentiments et ces programmes qui en découlaient, se sont manifestées quelques conséquences : les Croisades, le colonialisme, la pseudo-science de l’Orientalisme, et l’islamophobie.

Le danger de l’orientalisme

Il faut reconnaître que le danger de l’orientalisme est le plus grand, et également le plus difficile à contrôler, car il est subtil, voilé et fluide. Considérée comme une science fausse et partiale, l’orientalisme a été créée pour déformer l’image de l’Islam. En faisant cela, il construit un récit biaisé sur ses origines, son peuple, son histoire, et sa civilisation, destiné à influencer progressivement la mentalité occidentale.

Grâce à divers stratagèmes, il a été nécessaire d’endoctriner le public occidental afin de poursuivre sans obstacle les croisades contre l’Islam. Cela fut réalisé au nom de l’exploration, de l’illumination, de l’éducation, et de la mondialisation naissante.

Il s’agissait, en fait, de rejeter systématiquement la spiritualité en général, et d’institutionnaliser des alternatives profanatrices. La vérité évoquant l’Islam, ainsi que celle concernant l’Occident lui-même, devait être dissimulée aux Occidentaux, surtout à leurs générations futures.

On leur enseigna que leurs droits fondamentaux les plus importants étaient la liberté et l’éducation, alors qu’en réalité, ils faisaient face à l’anarchie, la confusion, et des narrations préconçues. L’une de ces narrations présentait l’Islam comme la dernière menace au statu quo et à l’ordre mondial dégénéré qui émergeait.

Les peurs infondées, les mensonges, les ambitions irréalistes, et de faux espoirs furent alimentés pour maintenir l’esprit occidental dans l’erreur, tout en exerçant un contrôle absolu sur leurs pensées et actions. Il était frappant de voir à quel point tout ceci s’éloignait de la réalité.

Dans son ouvrage remarquable « Orientalism », Edward Said synthétisa ces vérités en affirmant qu’en ce qui concerne l’Islam, la peur — sinon le respect — des Européens était justifiée. L’Islam et la civilisation islamique représentaient, pour l’Europe, une menace constante, une sorte de traumatisme durable. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la menace ottomane côtoyait l’Europe et représentait une peur constante pour toute la civilisation chrétienne, intégrée peu à peu dans ses événements, figures, vertus, vertiges, et vices, comme une composante intégrée de leur déclin.

Ce danger va bien au-delà de l’orientalisme. Lorsqu’on a dérobé la vérité, surtout sous prétexte de prétendus progrès, modernité ou scientisme, l’esprit et l’âme musulmans furent également exposés aux effets nocifs de l’orientalisme.

Une multitude d’écoles, universités, institutions de recherche, livres de référence, et autorités académiques ont été créées pour servir ces desseins. La croyance commune disait que l’Islam traditionnel était dépassé et obsolète, qu’il était nécessaire d’adopter de nouvelles interprétations modernes, qui seraient forcément celles de l’avant-garde de l’évolution humaine.

Contrairement au christianisme et autres religions artificielles, qui ont montré leur inefficacité, l’Islam, en tant que religion de vérité, ne peut être affaibli ou éliminé. La seule stratégie a été de le dissimuler et de le déformer, créant une confusion chez les gens et diminuant leur intérêt. C’est dans ce contexte que la phobie envers la religion — puis l’islamophobie — ont progressivement pris le dessus.

De l’orientalisme au postmodernisme

L’orientalisme, tel qu’il a d’abord été conçu puis développé, a également favorisé la popularité actuelle du postmodernisme, avec ses notions caractéristiques de relativisme religieux, éthique, socio-culturel, et épistémologique.

Étant donné que toutes les religions, idéologies, philosophies ou systèmes de vie liés à l’Occident ont montré leur incapacité à durer, s’effondrant souvent de manière spectaculaire, le cas de l’Islam — qui gagne en force et en attrait chaque jour — devait être empêché à tout prix.

Une stratégie consistait à généraliser et à promouvoir agressivement l’idée que la religion, dans son ensemble, est vouée à l’échec. Les gens ont été conditionnés, sous des illusions de liberté, de connaissance, et de progrès matériel, pour qu’ils restent en surface, sans percevoir la véritable réalité.

Dans ce cadre, l’Islam a été aussi ciblé, coupant toute dernière lueur d’espoir aux musulmans occidentaux — et, par extension, au reste du monde, qui souffre de cette pseudo-globalisation. Désormais, les principes du relativisme et de la subjectivité de la vérité ont pris le contrôle total de l’existence. En conséquence, les musulmans qui adhèrent aux idées occidentales de modernité et de progrès se retrouvent souvent plongés dans le chaos intellectuel du relativisme.

Le libéralisme, qui mène à une permissivité religieuse accrue, devient leur lot. Par cette voie, ces musulmans nuisent non seulement à leur religion, mais deviennent aussi des instruments à la solde des dangereux plans occidentaux. Ils participent ainsi à la réalisation des desseins de l’Occident, souvent sans le vouloir.

La voie à suivre

Face à tout cela, il incombe aux musulmans, dans toutes leurs composantes, de s’engager à :

– Répondre consciemment aux commandements d’Allah concernant une adoration authentique et une connaissance véritable, en intégrant ces deux dimensions plutôt qu’en les opposant. L’adoration doit respecter les lignes directrices du Qur’ân, de la Sunnah, et des autorités islamiques reconnues. La révélation divine, transmise par le Qur’ân et la Sunnah, constitue la fondation de la connaissance, d’où s’épanouissent toutes ses branches, pour finalement y revenir en validation.

– Ne pas engager d’actes d’adoration sans connaissance vraie et suffisante, sauf lorsqu’il s’agit d’un processus d’apprentissage. De plus, il faut veiller à ce que ce qu’on apprend soit aussitôt mis en pratique pour améliorer son adoration, sa foi, et sa conduite. Il est essentiel d’instaurer une nouvelle culture de connaissance et d’adoration, en suivant l’exemple du Prophète et de ses compagnons, qui incarnent la meilleure génération jamais connue.

– Promouvoir et contribuer à la renaissance de la culture et de la civilisation islamiques authentiques, mieux comprendre l’histoire déformée des musulmans, et œuvrer à la réalisation de l’unité et de la fraternité musulmanes.

– Travailler à la compréhension et à la redéfinition des relations islam-Occident, en étant lucide et en rendant hommage à ceux qui méritent des éloges.

– S’efforcer d’analyser en profondeur l’orientalisme et le postmodernisme, pour rejeter leurs nombreux inconvénients et reconnaître leurs rares avantages. Si nécessaire, cela peut impliquer de bannir certains auteurs ou de « brûler » leurs livres. Les tumeurs peuvent souvent être retirées pour préserver la santé du corps. La réforme de la destinée et du chemin civilisateur des musulmans ne peut venir que de l’intérieur, grâce à eux-mêmes, et non par des interventions extérieures.

Le Qur’ân confirme cette démarche : « Effectivement, Allah ne changera pas l’état d’un peuple tant qu’ils ne changeront pas eux-mêmes ce qui est en eux » (al-Ra’d 11).

« Cela parce qu’Allah ne change pas le bien qu’Il a assigné à un peuple tant qu’ils ne changent pas ce qu’ils ont en eux-mêmes » (al-Anfal 53).

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