Certains Américains pensent que la foi islamique est oppressive pour les femmes. En Occident, notamment en France, le hijab, ou foulard que portent de nombreuses femmes musulmanes, est devenu un symbole de cette oppression perçue.
Cet article a pour but d’éclairer certaines des questions complexes qui motivent le choix de porter le hijab par de nombreuses femmes musulmanes, en expliquant notamment pourquoi certaines le considèrent comme un signe d’émancipation. Il met également en lumière certains mouvements féministes musulmans à l’échelle mondiale, qui passent souvent inaperçus dans le monde occidental.
Selon la sociologue Caitlin Killian, les femmes juives, chrétiennes et hindoues ont couvert leur tête depuis l’époque pré-islamique.
Pour certaines femmes musulmanes actuelles, porter le hijab peut constituer un acte religieux — une manière d’affirmer leur soumission à Dieu. En effet, le Coran ordonne aussi bien aux hommes qu’aux femmes de observer la modestie dans leur habillement et leur comportement. Cependant, l’habillement des femmes musulmanes ne se limite pas uniquement à une observance religieuse ; il a aussi été, dans le passé comme aujourd’hui, utilisé comme une affirmation identitaire.
Sous la colonisation, les femmes musulmanes étaient encouragées à ressembler davantage aux femmes européennes et à enlever leur voile. Avec la montée des revendications d’indépendance contre la domination coloniale, le port du voile, explique Killian, est devenu « un symbole d’identité nationale et de résistance à l’Occident ».
Aujourd’hui, certaines femmes musulmanes américaines portent le hijab comme une façon d’affirmer leur fierté face à l’islamophobie. La Journée Mondiale du Hijab, célébrée chaque année le 1er février depuis 2013, a été créée suite à l’initiative de Nazma Khan, immigrée du Bangladesh aux États-Unis, qui avait été humiliée pour avoir porté un foulard. Elle a décidé de lancer une journée où les femmes musulmanes comme non-musulmanes pourraient expérimenter le port de cet hijab.
Toutefois, dans une grande partie du monde occidental, le foulard demeure encore perçu comme un symbole de l’oppression des femmes musulmanes. En Suisse, les électeurs ont approuvé en mars 2021 une législation visant à interdire le port de couvre-visages, tandis que la France pousse pour une politique plus restrictive concernant les hijabs.
Le 14 mars 2017, la Cour de justice de l’Union européenne, qui interprète la législation européenne, a autorisé les entreprises privées en France à interdire à leurs employés de porter des « signes religieux, politiques ou philosophiques » dans l’intérêt de la « neutralité ».
Selon la sociologue Z. Fareen Parvez, la législation anti-voile a représenté un « tournant » dans la vie des femmes musulmanes cherchant à être acceptées et intégrées dans la société française. Pour beaucoup d’entre elles, le foulard n’est pas seulement un symbole religieux ; c’est une manière d’être.
Cependant, cette focalisation sur l’habillement des femmes musulmanes détourne l’attention d’autres enjeux et des mouvements féministes islamiques qui cherchent à faire évoluer la situation. Par exemple, en Indonésie, des érudites musulmanes, ou ulamas, contribuent à changer la manière dont l’islam est compris et pratiqué.
Comme le souligne la sociologue Rachel Rinaldo, ces trente dernières années, une nouvelle génération de femmes leaders religieuses en Indonésie interprètent le Coran de façon à renforcer le pouvoir des femmes. La parole des ulamas féminines est aujourd’hui plus acceptée par rapport à celle des activistes pour les droits des femmes, car elles sont formées à l’islam en tant que savantes.
Une conférence réunissant en 2017 des érudites musulmanes, venant du Kenya, du Pakistan et de l’Arabie saoudite, a émis des fatwas — édits religieux non contraignants — contre le mariage d’enfants, les abus sexuels et la dégradation de l’environnement.
Il est important de souligner que, comme dans d’autres confessions, l’islam est une religion aux multiples facettes, et que les femmes musulmanes choisissent comment elles veulent se faire entendre et voir.
Il faut aussi noter que les ulamas féminines en Indonésie remontent au XVIIe siècle. La reine Tajul Alam Safiatuddin Syah a régné sur le royaume islamique d’Aceh (aujourd’hui dans la province la plus au nord de l’Indonésie) pendant 35 ans, en commandant plusieurs ouvrages importants sur l’islam et la théologie. À une époque où la présence de femmes dirigeantes était rare, elle était la principale autorité religieuse dans un royaume alors prospère et paisible. (D’après un article de Rachel Rinaldo, professeure de sociologie à l’Université du Colorado à Boulder.)