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Muharram et la Politique Séctaire : Comprendre les Conflits Religieux et Communautaires

Ceux qui se targuent de désigner leur groupe comme étant sunnite accorderont une importance primordiale à la migration du prophète Muhammad (Paix et Bénédictions sur Lui) de La Mecque à Médine en l’an 622 de notre ère. De leur côté, ceux qui présentent leur communauté comme étant chiite ou fidèles à Ali pleureront le martyre de l’Imam Hussein, petit-fils du Prophète, à Karbala.

Il existe un lien intrinsèque entre la Hijra (migration) et le martyre de l’Imam Hussein. Pourtant, les leaders religieux, en collaboration avec les autorités, ont généralement tout mis en œuvre pour semer la discorde au sein de la communauté musulmane.

La Hijra avait pour but de préserver la liberté religieuse et la dignité humaine dans une société respectueuse de la justice, de l’égalité et de l’équité. Quant au martyre d’Imam Hussein, il visait à éliminer la tyrannie, la loi des premiers-nés, et le fascisme, afin de bâtir une culture valorisant la liberté, l’équilibre et la respectabilité.

L’Imam Hussein a vécu selon l’héritage de son grand-père en défiant le tyran et en instaurant une gouvernance basée sur le Coran, rappelant que la vie est sacrée. Cependant, lorsque les valeurs fondamentales de justice, de liberté et de quête du bonheur sont menacées, le martyre devient une nécessité pour rappeler aux générations le sens profond de ces principes.

Chez les chiites, les dix premiers jours de Muharram revêtent une importance cruciale. Ils se rassemblent pour raconter l’histoire du martyre de l’Imam Hussein, mettre en avant les vertus de la famille du Prophète, et dans certains cas, invectiver ceux qui les ont trahis ou usurpé le droit de l’imam Ali, cousin et gendre du Prophète, de lui succéder. Ils réaffirment que c’est Imam Ali, et non Abu Bakr, le beau-père du Prophète, qui était le véritable successeur politique et spirituel. Dans plusieurs régions du monde, les chiites organisent également des processions passionnées reconstituant les événements ayant mené à l’assassinat de l’Imam Hussein.

Les sunnites, quant à eux, commémorent le Nouvel An islamique par des défilés, la distribution de douceurs, et des conférences sur la Hijra. Dans certaines régions d’Asie du Sud et des Caraïbes, des communautés participent à des parades où sont portés des Taziyah — petites maquettes du mausolée de Karbala, souvent faites de papier coloré et de bambou.

Pour les sunnites, le mois de Muharram est un mois de fête, alors que pour les chiites, c’est un mois de deuil.

Tant que ces deux communautés ne trouveront pas un terrain d’entente dans leur manière de regarder ces événements fondateurs, leurs divergences continueront de creuser le fossé entre elles. Chaque Muharram ravivera d’anciennes blessures, chaque soir exacerbant les tensions, car ceux qui ont tué l’Imam Hussein se sont prétendus musulmans.

Le martyre d’Imam Hussein représente également une triste réflexion sur l’attitude des anciens dirigeants et érudits musulmans. Leur silence et leur tolérance ont permis de légitimer la tyrannie, le despotisme, la violation du Coran, le mépris de la legacy du Prophète, et la destruction des droits de l’homme et de la justice. Ils ont instauré une tradition d’oppression qui perdure dans la posture de tous ceux qui prétendent diriger la communauté musulmane. En tuant le petit-f-fils du Prophète à Karbala, ils ont tué l’esprit de l’islam, au service de la création d’un monde fondé sur la justice et l’égalité.

L’approche divisée adoptée par les chiites et les sunnites dans l’observation de Muharram doit évoluer afin de faire vivre l’essence de la Hijra et du martyre.

Les chiites devraient se concentrer sur l’essence du martyre de l’Imam Hussein. Ils devraient remplacer les invectives par une critique sincère du silence et du soutien de certains érudits face à l’oppression. Les insultes et invectives ne font qu’accroître la tension et nourrir l’hostilité. Ils devraient également ouvrir leurs assemblées aux sunnites, invitant leurs savants et leaders à parler des questions de justice et d’égalité.

De leur côté, les sunnites doivent comprendre que le martyre ne se réduit pas à une simple affaire de clans ou de politique arabe. Imam Hussein représente l’héritage du Prophète de façon authentique, non pas uniquement parce qu’il était son petit-fils, mais parce qu’il a reçu la guidance du Prophète d’une manière unique. Le Prophète l’aimait profondément. L’amour de ceux que le Prophète a chéris fait partie intégrante de la foi musulmane. Les sunnites doivent reconnaître que le combat de l’Imam Hussein pour la justice contre la tyrannie découle d’une compréhension sincère du Coran et non d’une ambition politique. Ils doivent aussi affirmer que la loi de primogéniture adoptée par la dynastie Omeyyade viole le principe coranique de gouvernance. Il convient d’établir la distinction entre respecter un compagnon du Prophète et accepter ses politiques en tant que dirigeant. Muaawiya, en tant que compagnon, diffère de Muawiya en tant que dirigeant qui ne respectait pas les principes islamiques. Le Coran insiste sur la vérité comme étant prioritaire en toutes circonstances. La politique expansionniste de Muawiya au sein de l’empire Omeyyade a, au détriment de l’Islam authentique, falsifié ses principes.

Les communautés sunnites et chiites devraient faire de Muharram un mois dédié à la Hijra et au martyre pour la justice, l’égalité et la liberté. Au cours des premiers dix jours, elles pourraient communier dans la mémoire du sacrifice et du mouvement visant à établir la justice.

Le conflit entre chiites et sunnites comporte aussi une dimension politique importante. Certains États comme l’Arabie Saoudite, avec le soutien des Salafistes, qualifient les chiites de groupe déviant et non islamique. De leur côté, l’Iran, soutenant sa doctrine, condamne tous les sunnites comme étant complices des conspirations contre Imam Hussein. Leurs préjugés, nourris par leur tribalisme, leur politique et ambitions de leadership mondial, ont alimenté les hostilités.

Selon l’histoire racontée par les autorités et leur clergé, l’islam et le Coran empêcheraient toute véritable unité des musulmans pour la justice, l’égalité et la liberté. Pourtant, une initiative indépendante, issue des rangs populaires, est indispensable. Les élites religieuses chiites et sunnites ne faciliteront pas cette union, car leur survie dépend du maintien des divisions, de la haine et du conflit. Leur gagne-pain repose sur la haine mutuelle. Seul un groupe sincère, animé d’amour, du respect du Coran et de ses principes universels, et capable d’élever la foi divine au-delà des races, des sectes ou des ambitions politiques, peut initier ce changement.

Il faut espérer que nous changions notre regard sur cette problématique, pour faire avancer la véritable unité et compréhension mutuelle plutôt que la division.

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