Actualités

Les démocrates tirent des leçons de leurs défaites précédentes pour mieux rebondir

Quelques mois après la défaite amère des démocrates lors des élections de 2024, une réunion du comité exécutif du parti s’est rapidement transformée en une fête d’autocongratulation. “Nous avons organisé la meilleure convention de l’histoire,” a lancé un participant. “Nous avons levé plus d’argent que jamais,” enchaîna un autre. “Nous avions la meilleure équipe.”

Un responsable de haut rang du parti a rappelé à l’assemblée que « nous avons perdu » et a suggéré une « autopsie » pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné ; cette proposition a été accueillie avec indignation. “Que voulez-vous dire par ‘autopsie’ ? Nous ne sommes pas morts !”

Si le parti n’est pas mort, ses performances en 2024 ont été médiocres—il a perdu la Maison Blanche ainsi que le Sénat. Les sondages montrent que l’image favorable des démocrates atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis plusieurs années.

Malgré l’absence d’une autopsie officielle, les médias ont récemment rapporté des conseils de « militants démocrates » sur les prochaines décisions à prendre, ainsi que des études analysant leur défaite de 2024. La tendance qui émerge est que les démocrates devraient se repositionner vers le « centre » et abandonner leurs idées politiques Radicales ou « de gauche ».

Les limites de cette analyse

Ce diagnostic comporte deux erreurs principales. Premièrement, ces consultants et groupes d’études (dont le rapport aurait coûté environ 30 millions de dollars) sont justement ceux qui ont contribué à creuser le trou actuel du parti. Ils ne comprennent pas les électeurs qu’ils ont perdus ni comment les reconquérir. Deuxièmement, leurs définitions de « centre » et de « gauche » sont des invention sans fondement, adaptées à leurs propres biais. Affirmer qu’il faut « arrêter d’être si ‘woke’ » tout en se concentrant sur les préoccupations des électeurs est insuffisant — surtout si ces derniers ne comprennent pas eux-mêmes ces préoccupations.

Ces mêmes consultants ont longtemps prôné un recentrage des démocrates vers ce qu’ils appellent « le centre » de la politique américaine : une alliance d’économies conservatrices et de politiques sociales plus libérales. Avec ce mélange confus d’idées, sans message cohérent, les candidats sous leur influence peinent à séduire les électeurs.

Une erreur de stratégie

Avant Trump, les Républicains insistaient sur le mantra de Reagan : « baisser les impôts, réduire la taille du gouvernement ». Pendant ce temps, les démocrates, interrogés sur leurs valeurs, déclamaient une liste interminable de causes (avortement, justice sociale, environnement, immigration, armes à feu, etc.), laissant les électeurs confus, incapable de discerner une vision claire.

Les politiques économiques républicaines, menaçant le bien-être économique de la majorité, incitaient ces électeurs à éviter les détails. Au contraire, ils amplifiaient et exagéraient les positions sociales des démocrates : « Les démocrates veulent ouvrir les frontières… abolir la police… laisser les athlètes transgenres concourir dans les compétitions féminines. »

Les Républicains tendent un piège, et les démocrates, au lieu de développer un message global capable de toucher la majorité, se laissent attirer par ces problématiques polarisantes.

Une vision partagée en partie par les chercheurs

Il y a vingt-cinq ans, mon frère John et moi avons coécrit « What Ethnic Americans Really Think », une étude basée sur des sondages portant sur les attitudes politiques des Italiens, Arabes, Hispaniques, Asiatiques, Juifs et Afro-Américains.

Malgré leurs différences profondes, ces communautés convergaient sur plusieurs points. La majorité, qu’ils soient immigrés ou nés aux États-Unis, étaient fiers de leur héritage, de leur ville natale et de leurs liens familiaux.

En dépit de la stratégie des consultants, nous avons constaté que la majorité de ces groupes soutenaient massivement des politiques économiques progressistes. Environ 85 à 95 % voulaient que le gouvernement fédéral : finance une partie de l’assurance maladie, augmente le salaire minimum, pénalise les pollueurs, oppose des taxes régressives, renforce la Sécurité sociale et Medicare, et soutient l’éducation publique. Une grande majorité souhaitait également une réforme du financement des campagnes et un contrôle accru sur la possession d’armes à feu.

Les nuances sociales

Sur les questions sociales, leurs avis étaient plus diversifiés. Moins nombreux, ils soutenaient la peine de mort, la limitation de l’avortement et les chèques scolaires, tout en étant opposés aux préférences raciales dans les recrutements.

Au fond, le « centre » n’est pas plus modéré sur les questions économiques ou plus libéral sur les questions sociales — il repose sur une majorité solide pour les enjeux économiques : près de 9 électeurs sur 10 soutiennent ces politiques.

Ce que les démocrates doivent faire

Pour réussir, les démocrates doivent plutôt s’engager dans un dialogue respectueux avec ceux qui ont des visions divergentes, au lieu de les exclure ou de les dénigrer sur les questions sociales. Il faut qu’ils redéfinissent leur position en tant que défenseurs d’un rôle positif de l’État dans la création d’une économie offrant des opportunités aux familles de la classe ouvrière et de la classe moyenne, qu’elles soient Noires, Asiatiques, Latines ou Européennes.

Ne pas faire cet effort, c’est laisser la place aux Républicains, qui, malgré leurs politiques régressives, proclamant aujourd’hui représenter la classe ouvrière tout en accusant les démocrates de défendre les élites.

Les démocrates doivent maintenir leur engagement envers les enjeux sociaux et culturels fondamentaux dans une société aussi diverse. Toutefois, ces questions ne doivent pas définir entièrement le parti. Pour remporter des élections, ils doivent retrouver l’esprit de Franklin Roosevelt, Lyndon Johnson, et aujourd’hui de Joe Biden ou Bernie Sanders : ils croient en une gouvernance qui tend la main à ceux dans le besoin, et qui soutient toutes les communautés ethniques et raciales de la classe moyenne.

— Fin de l’article —

Laisser un commentaire

Avatar de Abdelhafid Akhmim