Actualités

Le ministre syrien des Affaires étrangères se rend à Beyrouth pour reconstruire les liens après la chute d’Assad

BEYROUTH, LIBAN – 10 OCTOBRE : le ministre libanais des Affaires étrangères Youssef Recci (à droite) et le ministre syrien des Affaires étrangères Esad Hasan Sheibani (à gauche) tiennent une conférence de presse conjointe à l’issue de leur réunion. (Houssam Shbaro, AA)

Le ministre syrien des Affaires étrangères Asaad al-Shaibani s’est rendu vendredi à Beyrouth pour sa première visite officielle depuis la chute du régime d’Assad, marquant une étape clé dans le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux voisins.

Al-Shibani dirigeait une délégation de haut niveau comprenant le ministre de la Justice Mazhar al-Louais, le chef des renseignements Hassan al-Salameh et le vice-ministre de l’Intérieur, le général de division Abdel Qader Tahan. Il a été accueilli à l’aéroport international Rafic Hariri par de hauts diplomates libanais avant de se rendre à des réunions avec le ministre des Affaires étrangères Youssef Raggi, le président Joseph Aoun au palais de Baabda et le Premier ministre Nawaf Salam au Grand Sérail.

Cette visite d’une journée faisait suite à une invitation du ministère libanais des Affaires étrangères à discuter de la réactivation des relations bilatérales après des années de tensions. Il s’agit de la première visite syrienne de haut niveau au Liban depuis le renversement de Bachar al-Assad en décembre 2024, et elle intervient dans le cadre des efforts régionaux visant à stabiliser les relations après plus d’une décennie de division.

Restaurer la diplomatie et la coordination

Les pourparlers entre les deux gouvernements ont porté sur le renforcement des voies diplomatiques, le rétablissement de la coordination en matière de sécurité et la résolution de différends de longue date. Al-Shaibani et Raggi ont annoncé que le Conseil supérieur libano-syrien, un organe symbolisant l’ancienne domination syrienne sur le Liban, serait suspendu, toutes les relations officielles étant désormais menées par l’intermédiaire des deux ambassades à Beyrouth et Damas.

BEYROUTH, LIBAN – 10 OCTOBRE : le Premier ministre libanais Nevvaf Selam rencontre le ministre syrien des Affaires étrangères Esad Hasan Sheibani. (Houssam Shbaro, AA)

Le président Aoun a décrit cette décision comme une étape positive vers la transparence, affirmant que le Liban attendait avec impatience la nomination d’un nouvel ambassadeur syrien. La partie syrienne a également confirmé son engagement à poursuivre le dialogue sur les questions bilatérales clés, notamment le statut des détenus libanais en Syrie, la coordination frontalière et la coopération énergétique.

La réunion intervient dans un contexte de changement régional plus large suite à l’éviction d’Assad et aux lourdes pertes du Hezbollah lors de sa récente guerre avec Israël. Les responsables syriens, qui critiquent depuis longtemps l’implication du Hezbollah dans la guerre civile syrienne, ont manifesté leur intérêt à redéfinir leurs relations avec le Liban sur une base souveraine et égale.

Inscrivez-vous pour recevoir des mises à jour régulières directement dans votre boîte de réception

Abonnez-vous à notre newsletter et restez informé des dernières nouvelles et mises à jour du monde musulman !

Retour des réfugiés, sécurité des frontières et liens futurs

Le Liban accueille environ 1,5 million de réfugiés syriens, soit le nombre le plus élevé par habitant au monde.

Al-Shaibani a remercié le Liban « pour avoir accueilli les Syriens pendant la guerre » et a déclaré que Damas recherchait un « retour digne et durable » pour les citoyens déplacés. Selon le HCR, quelque 850 000 réfugiés sont rentrés en Syrie depuis décembre 2024, et d’autres devraient suivre dans le cadre de nouveaux cadres de coordination.

Les deux pays ont également réaffirmé leur engagement à mettre en œuvre les accords passés, notamment celui de 2022 visant à transporter le gaz égyptien via la Syrie jusqu’à la centrale électrique libanaise de Deir Ammar. Les responsables ont souligné cela comme un exemple de coopération pratique qui pourrait ouvrir la voie à des projets économiques et infrastructurels plus vastes.

En mars 2025, le Liban et la Syrie ont signé un accord visant à définir clairement leur frontière commune et à renforcer la coordination pour lutter contre la contrebande et les infiltrations. Les forces syriennes ont intercepté à plusieurs reprises des camions liés au Hezbollah transportant des armes vers le Liban, tandis que les autorités libanaises affirment que la sécurité transfrontalière s’est considérablement améliorée depuis la chute d’Assad.

Une étape diplomatique prudente mais significative

Malgré un regain d’optimisme, les deux gouvernements ont du mal à rétablir la confiance après des décennies de tensions et de méfiance. De nombreux Libanais se souviennent encore des 29 années de présence militaire syrienne, tandis que Damas continue de considérer avec ressentiment le rôle du Hezbollah en temps de guerre.

Pour les nouveaux dirigeants syriens, la visite à Beyrouth témoigne d’un désir de réaffirmer leur légitimité et de revenir à une diplomatie régionale normale après des années d’isolement. Pour le Liban, la visite représente une opportunité de répondre aux préoccupations nationales concernant les réfugiés, la sécurité et la coordination économique grâce à un engagement structuré.

Al-Shaibani a déclaré que son voyage visait à « réaffirmer la profondeur des relations syro-libanaises » et reflétait l’intention de Damas de « surmonter les obstacles précédents ». Ses paroles traduisent un changement prudent mais significatif, alors que les deux voisins commencent à reconstruire une relation remodelée par l’effondrement de l’ère Assad-Hezbollah.

Laisser un commentaire

Avatar de Abdelhafid Akhmim