Il y a plus d’une décennie, une thèse puissante a émergé pour répondre à la narrative persistante de l’Occident concernant les ambitions nucléaires de l’Iran : selon cette thèse, les accusations portées par Israël et relayées par les puissances occidentales — notamment les États-Unis — selon lesquelles l’Iran poursuivrait un programme d’armement nucléaire, étaient tout simplement infondées.
Selon cette perspective, l’Occident, motivé par des intérêts politiques, des biais idéologiques et des alliances stratégiques, aurait concocté une crise là où aucune n’existait réellement, créant ainsi un terrain propice à un conflit potentiellement catastrophe au Moyen-Orient.
La figure centrale de cette narrative a toujours été le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Depuis les années 1990, Netanyahu n’a cessé d’accuser l’Iran d’être à deux doigts de développer des armes nucléaires.
Cependant, les rapports du renseignement américain — tant passés que récents — ont à plusieurs reprises contredit cette affirmation. Des rapports d’agences telles que la CIA ou la National Intelligence Estimate indiquent clairement qu’il n’existe aucune preuve concrète que l’Iran poursuive un programme d’armement nucléaire.
Le rapport du renseignement américain de 2023 a confirmé la même conclusion, mais la rhétorique de Netanyahu n’a fait que s’intensifier, allant jusqu’à suggérer, ces derniers temps, que l’Iran prévoit de distribuer des armes nucléaires à des groupes terroristes — une assertion dépourvue de tout fondement crédible.
L’un des problèmes fondamentaux, comme l’a souligné l’auteur de cette thèse, est que l’Occident, et en particulier les États-Unis, ont agi de manière inconséquente et sans principes. Sous l’administration d’Obama, l’Accord global (JCPOA), souvent appelé l’accord nucléaire iranien, a été négocié avec succès.
Cet accord permettait à l’Iran de poursuivre un programme d’énergie nucléaire pacifique sous un strict contrôle international. L’Iran s’était engagé à des inspections intégrales par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), faisant preuve de transparence et de volonté de coopérer avec les normes mondiales.
Pourtant, cet acquis diplomatique a été démantelé par l’administration Trump, fortement influencée par le lobby pro-israélien. En se retirant unilatéralement de l’accord en 2018, les États-Unis ont non seulement terni leur crédibilité, mais ils ont aussi ravivé l’instabilité dans la région, entraînant des tensions renouvelées, des sanctions et une méfiance accrue. Alors que l’Iran respectait tous les termes de l’accord, il a été puni pour des raisons politiques liées à l’évolution de la gouvernance américaine.
Alors que les tensions s’intensifient actuellement, avec des rapports évoquant des frappes préventives israéliennes contre l’Iran, le spectre d’une nouvelle guerre de changement de régime se profile. À l’image de l’invasion de l’Irak en 2003 menée par les États-Unis, beaucoup mettent en garde contre la tentation d’éliminer le gouvernement iranien par la force militaire, ce qui pourrait entraîner des conséquences désastreuses : guerre civile, chaos régional, migrations massives et montée en puissance d’acteurs non étatiques violents.
L’Iran, qui compte plus de 90 millions d’habitants et est considéré comme l’un des États les plus stables du Moyen-Orient, pourrait devenir le prochain foyer de destruction — une situation totalement évitable, et qui résulte en grande partie de provocations.
Le rôle du Royaume-Uni dans cette crise soulève également des inquiétudes considérables. Bien qu’ayant initialement revendiqué une position stratégique de neutralité, Londres a désormais déployé des avions pour « défendre ses intérêts britanniques » — une expression vague qui masque souvent une participation indirecte ou une complicité dans des opérations militaires menées par les États-Unis ou Israël.
La base d’Akrotiri à Chypre, longtemps utilisée pour des déploiements stratégiques, aurait facilité la campagne d’Israël dans la bande de Gaza, et pourrait à présent être mobilisée pour des opérations contre l’Iran. Cette implication croissante dans les conflits du Moyen-Orient reproduit les mêmes erreurs commises en Irak et en Libye : une intervention agressive sans stratégie à long terme claire ni responsabilisation publique.
Par ailleurs, la direction politique britannique dominante, notamment le Parti travailliste sous Keir Starmer, reste étonnamment silencieuse. Bien qu’elle reconnaisse que ces tensions sont inextricablement liées à la catastrophe humanitaire à Gaza, elle ne formule que peu de condamnations concrètes de l’agression israélienne ni ne défend vigoureusement les droits palestiniens. Au lieu de cela, le Royaume-Uni continue à autoriser des ventes d’armes à Israël, alors même que le bilan humain dans la bande de Gaza s’alourdit.
L’essence même de cette thèse n’est pas une défense du régime iranien, mais une critique de l’hypocrisie et des dérives bellicistes de l’Occident. Elle appelle à une politique étrangère lucide, fondée sur la vérité et non sur la propagande.
Si l’Occident persiste à déformer la réalité sur l’Iran, à intervenir militairement sans discernement, et à ignorer les leçons du passé, il risque non seulement de déclencher une nouvelle guerre, mais aussi de perdre toute légitimité morale sur la scène mondiale.
Au final, la question ne se limite pas à savoir si l’Iran construit des armes nucléaires. Il s’agit plutôt de comprendre pourquoi, malgré toutes les évidences contraires, l’Occident continue d’agir comme si c’était le cas. Et à quel prix le monde pourrait devoir payer cette cécité volontaire.