Le procès de 1925 contre l’enseignant de Tennessee, John T. Scopes, qui avait été accusé d’avoir enfreint la loi de l’État en enseignant la théorie de l’évolution biologique, s’est déroulé du 10 au 21 juillet 1925. À l’occasion du centenaire de ce procès, la bataille culturelle entre la ≪ création ≫ et ≪ évolution ≫ demeure toujours vive. L’épisode le plus marquant de cette affaire s’est produit le 20 juillet, lorsque Clarence Darrow a réussi à pousser William Jennings Bryan à témoigner en tant qu’expert biblique. Selon le Coran, un jour aux yeux de Dieu équivaut à 50 000 années humaines.
Les quelque 2 000 à 3 000 spectateurs présents ont assisté à l’interrogatoire de Bryan par Darrow, dont le but principal était de faire apparaître le fondamentaliste et ses idées comme dénués de sagesse et d’intelligence. Les questions de Darrow ont révélé que, malgré la déclaration de Bryan selon laquelle il lisait la Bible de façon littérale, celui-ci comprenait en réalité que les six jours de la Genèse n’étaient pas de véritables journées de 24 heures, mais plutôt de longues périodes indéfinies.
Les sondages d’opinion montrent que près de 20 à 25 % des Américains rejettent à la fois la géologie conventionnelle et la biologie mainstream. La méfiance envers l’évolution humaine a été associée à des attitudes plus élevées de préjugés, de racisme et de soutien à des comportements discriminatoires contre les Afro-Américains, les immigrants ou la communauté LGBTQ, selon une recherche de l’Université du Massachusetts à Amherst publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology.
L’étude montre aussi que, durant les 80 000 à 120 000 dernières années, les activités religieuses chez Homo sapiens ont évolué, ce qui, en général, sauf dans certains détails, peut être considéré comme positivement adaptatif. Si l’on prend au sérieux l’affirmation biblique selon laquelle l’humanité a été créée à l’image de Dieu, ou celle du Coran selon laquelle l’homme a été créé pour être vice-régent sur la terre, alors l’évolution spirituelle atteste de la création d’êtres capables de co-créer socialement, avec un but, des réponses immatérielles aux défis environnementaux et sociaux.
L’évolution des pratiques religieuses visant à améliorer la survie de l’humanité ne se limite pas à notre seul groupe. Avec la domestication récente des plantes et des animaux, ainsi que la révolution industrielle très récente, l’Homme a désormais une responsabilité considérable dans l’évolution et la survie de nombreuses espèces sur la planète. Par conséquent, le comportement des individus religieux devient lui aussi un facteur dans l’évolution de la vie sur Terre.
Les comportements religieux traduisent des processus de pensée créative, conscients, que la majorité associe à Homo sapiens. Ces comportements répondent de manière inventive à certains défis de la vie et à des situations particulières. Au fur et à mesure que les groupes humains s’accroissaient en nombre, il devenait de plus en plus difficile d’éviter les conflits internes ou la division. Les grandes communautés, ou celles étant solidement alliées, avaient plus de chances de l’emporter lors de conflits entre groupes. Elles présentaient également moins de risques de problèmes génétiques dus à l’inceste. Des recherches récentes indiquent qu’un enfant issu de cousins germains a une probabilité de 11 % de présenter un trouble du langage ou de la parole contre 7 % pour des enfants dont les parents ne sont pas liés. Sur mille générations, cette différence peut avoir une importance significative.
L’expansion des populations favorise aussi une accélération des avancées technologiques et des savoir-faire, selon le biologiste évolutionniste Maxim Derex de l’Université de Montpellier 2 en France. Ses expériences en laboratoire montrent dans l’édition du 13 novembre 2013 de Nature que l’optimisation des outils devient plus fréquente à mesure que la taille des groupes augmente. Tout ce qui permettait aux grands groupes de renforcer leurs liens plus inclusifs que de simples normes de famille élargie tendait à augmenter leurs chances de survie, que ce soit pour des bandes, des clans, des tribus ou de plus vastes communautés.
Une récente étude génétique menée par Svante Pääbo, pionnier en génétique ancienne et à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire en Allemagne, révèle qu’en comparaison avec Homo neanderthalensis, notre espèce présente une diversité génétique beaucoup plus importante. Selon Pääbo, avant 400 000 à 500 000 ans, la population néandertalienne a connu un déclin et est restée de petite taille. Il explique : « Les Néandertaliens avaient une variation génétique encore moindre que celle des Homo sapiens actuels. La diversité génétique chez eux représentait environ le quart de celle que l’on trouve chez les Africains modernes, et un tiers de celle chez les Européens ou Asiatique modernes. »
Une population réduite aurait été défavorable aux Néandertaliens, car elle aurait moins permis à la sélection naturelle d’éliminer les mutations délétères. Sur le plan génétique, cela aurait signifié moins de capacités d’adaptation. La question s’est alors posée : pourquoi les Homo sapiens ont-ils été plus nombreux que leurs cousins néandertaliens ? Jusqu’à récemment, l’explication prédominante était que notre espèce aurait été plus intelligente ou technologiquement plus avancée.
Or, une étude récemment publiée remet en question cette vision chauviniste de la supériorité de Homo sapiens. La recherche, intitulée Neanderthal Demise: An Archaeological Analysis of the Modern Human Superiority Complex par Paola Villa et Wil Roebroeks, publiée le 30 avril 2014 dans PLOS ONE, montre qu’il y a peu de preuves substantives soutenant cette idée de supériorité technologique ou cognitive inégalée de l’Homme moderne.
L’explication réelle pourrait plutôt résider dans le succès accru de la religion humaine pour renforcer la cohésion de vastes groupes de chasseurs-cueilleurs par des rituels communs et un engagement collectif, que dans une prétendue supériorité biologique ou intellectuelle. « Les rituels publics partagés et les croyances communes ont généré une cohésion plus forte que le simple lien du sang », souligne cette recherche.
Ce phénomène est illustré par le premier ensemble de directives fondamentales transmises à l’humanité, tirées de la Genèse : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit et leur dit : ‘Soyez féconds, multipliez, remplissez la Terre…’ » (Genèse 1:27-28). Des traditions de pèlerinage vers des lieux sacrés non locaux apparaissent dans de nombreuses religions, renforçant ainsi la cohésion collective.
Lorsque YHWH établit le sabbat au mont Sinaï, il demande à Moïse (Exode 31:13) : « Tu parleras ainsi aux Israélites : ‘Vous (tous) observerez le sabbat, car c’est une marque entre moi et vous, pour toutes vos générations, afin que vous sachiez que c’est moi, YHWH, qui vous sanctifie.’ » La notion de signe ou de pacte entre deux parties sous-entend un engagement mutuel. Cette expression pourrait donc mieux se comprendre comme « ceci est une marque de pacte entre moi et vous (tous) ».
De même, Dieu distingue Israël des idolâtres : « Vous serez pour moi un peuple saint, car je suis saint, moi, l’Éternel, qui vous ai séparés des peuples, afin que vous me soyez propres » (Lévitique 20:26). Sept siècles plus tard, Dieu choisit également le prophète Muhammad pour apporter le monothéisme du Tawhid à l’ensemble des idolâtres du monde.
En résumé, la capacité des religions humaines à rassembler et renforcer de larges groupes, notamment par des rituels communs et la création de liens sociaux solides, pourrait expliquer en partie pourquoi Homo sapiens a survécu et évolué avec succès, contrairement aux Néandertaliens. Ces pratiques spirituelles ont permis de maintenir la cohésion sociale sur de longues périodes, parfois en réunissant des communautés dispersées après des périodes de séparation, par le biais de fêtes religieuses.
Les comportements religieux, en tant que réponses créatives et conscientes aux défis de la vie, jouent ainsi un rôle essentiel dans la survie et le développement humain.






