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Interdire de crier « Libérez la Palestine » en Allemagne : risques d’arrestation pour les manifestants

Un activiste palestinien, Abed Darwish (surnommé Abu Ibrahim), a été arrêté et détenu pendant plusieurs heures par la police berlinoise suite à sa participation à une manifestation le 5 juin, appelant à mettre fin au blocus de la Bande de Gaza, selon un message publié sur sa page officielle Facebook.

M. Darwish, une figure respectée et un militant connu au sein de la communauté palestinienne de Berlin, aurait été arrêté pour des accusations d’« insulte aux juifs ». Ses soutiens et lui-même qualifient ces accusations d’infondées et dénoncent une tentative de répression plus large contre les voix pro-palestiniennes en Allemagne.

Après sa libération, M. Darwish a annoncé son intention de déposer une plainte en justice en Allemagne. Il a condamné cette détention qu’il considère totalement arbitraire, insistant sur son droit à la liberté d’expression pour défendre la cause palestinienne. Il a également appelé à l’abandon des accusations portées contre lui et à la rétractation des fausses allégations qui ont été faites à son encontre.

Une répression accrue contre les voix pro-palestiniennes

Selon l’agence DPA International, la ministre de l’Éducation allemande, Bettina Stark-Watzinger, a exprimé sa désapprobation face à une lettre signée par environ 100 enseignants de universités berlinoises, apportant leur soutien aux manifestants pro-palestiniens. Elle a accusé tant les étudiants que le personnel académique de diffuser de la haine contre Israël et les juifs.

Le maire de Berlin, Kai Wegner (CDU), a également exprimé des sentiments similaires, déclarant au journal Bild: « Je n’ai absolument aucune sympathie pour les auteurs de cette lettre. » Malgré leurs différences politiques, Wegner et Stark-Watzinger ont adopté une position unanime en condamnant l’expression académique pro-palestinienne.

Cependant, la confusion entre critique d’Israël et antisemitisme suscite l’inquiétude chez de nombreux activistes et défenseurs des droits civiques. La fréquence de la répression contre les voix pro-palestiniennes soulève de sérieuses questions sur l’engagement réel de l’Allemagne en faveur de la liberté d’expression, notamment lorsqu’il s’agit des politiques étrangères ou des violations des droits humains à Gaza.

La censure des slogans et des symboles

En mars 2025, la police allemande a arrêté un étudiant américain à Berlin pour avoir partagé en ligne le slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ». Par la suite, les autorités ont procédé à des perquisitions dans plusieurs domiciles et ont interrogé 45 étudiants répartis dans 11 États différents. Certains d’entre eux avaient déjà été ciblés lors d’investigations précédentes.

Ce slogan a été interdit dans plusieurs régions d’Allemagne, notamment en Bavière et à Berlin, qui le considèrent comme antisémite. Pourtant, de nombreux défenseurs des droits humains affirment que cette phrase appelle à l’égalité et à la justice pour les Palestiniens, et non à la violence ou à la haine.

Au cours des derniers mois, l’Allemagne a interdit de nombreuses manifestations pro-palestiniennes, comprenant des rassemblements pacifiques, des activités culturelles, voire des événements organisés par des juifs en soutien à la Palestine. En avril 2024, les autorités allemandes ont annulé une conférence organisée par Voice for Peace in the Middle East (Voix pour la paix au Moyen-Orient) et arrêté un membre du bureau, malgré la nature non-violente de cette organisation.

Faits saillants sur la politique allemande vis-à-vis de la Palestine

  • La Allemagne a apporté un soutien politique à l’opération militaire d’Israël à Gaza, malgré l’appel international à un cessez-le-feu.
  • Elle a justifié les attaques contre des civils en invoquant la « légitime défense », alors que de nombreux civils ont été tués.
  • Les efforts diplomatiques pour un cessez-le-feu ont été bloqués, laissant Israël poursuivre ses bombardements.
  • La Allemagne a refusé de coopérer avec les mandats d’arrêt internationaux contre des responsables israéliens suspectés de crimes de guerre.
  • Elle a rejeté la plainte sud-africaine devant la Cour Internationale de Justice concernant le génocide, qualifiant la procédure de « sans fondement » malgré l’acceptation de l’audience par la cour.
  • En 2023, la Allemagne a autorisé l’exportation d’armements d’un montant de plus de 400 millions d’euros vers Israël, devenant le deuxième plus grand fournisseur d’armes majeures à ce pays.
  • Pour obtenir un passeport, les candidats à la citoyenneté palestinienne doivent désormais déclarer leur soutien à l’occupation israélienne, une spécificité propre à l’Allemagne.

Ce que la France et le Royaume-Uni ont récemment décidé :

  1. Inverser la triangle rouge utilisée dans l’art pro-palestinien.
  2. Interdire le keffieh (foulard palestinien) dans les écoles, en invoquant le trouble à la « paix scolaire ».
  3. Interdire le slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ».
  4. Interdire la manifestation publique du drapeau palestinien.
  5. Interdire les événements pro-palestiniens organisés par des juifs ou des citoyens israéliens.

L’Allemagne maintient l’un des régime de restrictions les plus sévères sur la solidarité avec la Palestine en Europe. Il est paradoxal — et tragique — que cette nation, qui prétend avoir tiré des leçons de ses erreurs passées, en vienne maintenant à persécuter ceux qui dénoncent des crimes de guerre ou un nettoyage ethnique ailleurs dans le monde.

Réflexion finale : Melons et symbolisme

Alors que la résistance symbolique s’accroît, on peut se demander : La prochaine étape de la censure sera-t-elle l’interdiction des tranches de melon dans les supermarchés ? En effet, ce fruit — rouge, vert, blanc et noir, rappelant le drapeau palestinien — est devenu un symbole artistique et militant incarnant la résilience et l’identité palestinienne. Si cette censure abrupte se poursuit, rien n’est impossible.

Il est crucial que l’Allemagne réfléchisse à sa position. La véritable mémoire historique consiste à ne jamais permettre qu’un peuple soit opprimé à nouveau, quels que soient les alliances politiques. Le regard du monde est fixé sur elle.

Mahmoud El-Youseph est un écrivain palestinien indépendant et vétéran de l’Armée de l’air américaine retraité.
Contact : [email protected]

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