La culture de l’annulation, ou « cancel culture », est devenue un outil social puissant, souvent utilisé pour déprogrammer ou exclure des personnes qui ont commis des erreurs dans leur passé ou qui prônent des idéologies nuisibles.
Elle apparaît généralement comme un moyen de protéger les communautés contre le discours haineux et de faire respecter la responsabilité. Toutefois, une question fondamentale demeure : la culture de l’annulation peut-elle avoir sa place dans l’islam ?
Dans la doctrine islamique, justice et miséricorde doivent aller de pair. Le concept de Tawba (repentance) occupe une place centrale, offrant à chacun la possibilité de se remettre en question, de changer, de grandir et d’être pardonné.
En étudiant la tradition islamique, il devient évident que condamner quelqu’un pour ses fautes passées, surtout si cette personne a fait preuve de repentir ou si ses actes n’ont pas nui à autrui, va à l’encontre même des principes fondamentaux de notre foi.
Un exemple puissant peut être trouvé dans la Surah At-Tawbah. Trois compagnons du Prophète Muhammad ﷺ n’ont pas participé à une bataille en raison de préoccupations personnelles. Ils ont assumé leur erreur sans chercher à se justifier. Sur instruction divine, le Prophète ﷺ a ordonné à la communauté de leur imposer une période d’isolement.
Cependant, moins de temps plus tard, Allah a révélé des versets acceptant leur repentir. Cette histoire se termine non pas avec leur exclusion définitive, mais dans la joie, le pardon et la réintégration dans la communauté. L’un d’eux n’oubliera jamais le compagnon qui s’est précipité vers lui pour lui annoncer le pardon—une belle illustration de la Rahmah (mercy) en pratique.
Aujourd’hui, la culture de l’annulation laisse souvent peu de place à l’évolution personnelle. Elle suppose que les individus ne peuvent pas changer, qu’ils doivent être indéfiniment définis par leurs pires moments. Or, dans l’islam, cette mentalité est entièrement contraire à ses principes. Elle efface la Tawba, ignore la capacité d’Allah à couvrir les fautes (Sitr) et ferme la porte de la miséricorde qui reste toujours ouverte pour ceux qui la recherchent sincèrement.
Bien entendu, ceux qui persistent dans des comportements nuisibles ou prêchent la haine ont leur place dans la vigilance communautaire. La communauté a le droit de se protéger. Mais pour ceux qui ont eu tort, qui se sont repenti et qui cherchent à réparer, continuer à ramener leur passé dans le présent est à la fois injuste et dangereux spirituellement.
Souvenons-nous : si Allah couvre les fautes d’une personne, qui sommes-nous pour vouloir les dévoiler ? Au Jour du Jugement, certains d’entre nous pourraient devoir répondre non pas pour ce que d’autres ont fait, mais pour la manière dont ils ont humilié publiquement ces personnes au nom de la “justice”.
En fin de compte, personne n’est exempt de péché. Et si nous désirons la miséricorde d’Allah, il incombe aussi de l’accorder aux autres. L’islam ne prêche pas la culture de l’annulation. Il privilégie la transformation et la possibilité de se relever.
Allah est le Connaissant ultime.