Ce fut un moment de retour au bercail pour Dato’ Seri Anwar Ibrahim, le Premier ministre malaisien qui a été l’un des acteurs principaux dans la création de l’Université islamique internationale de Malaisie (IIUM), lorsqu’il a pris la parole devant la communauté universitaire. Avec des liens personnels profonds avec cette institution, son discours a été à la fois une réflexion et une mise au défi, soulignant notamment l’appel à redéfinir la véritable vocation de l’éducation et l’esprit de l’islam dans le contexte mondial actuel.
Une vocation éducative au-delà du simple diplôme
Selon lui, la mission de l’enseignement supérieur ne se limite pas à la transmission de connaissances ou à l’obtention d’un certificat. Elle doit constituer un voyage de transformation, permettant aux individus de prendre conscience d’eux-mêmes, de développer leur responsabilité, et ainsi contribuer à bâtir des sociétés meilleures. En cela, les universités jouent un rôle noble dans la société : elles ne se contentent pas de dispenser des informations, mais cultivent la compréhension permettant d’atteindre la sagesse et le discernement éthique. À une époque où le contenu numérique et l’intelligence artificielle prolifèrent, il est crucial de rappeler que toutes les informations ne sont pas synonyme de connaissance, et que toutes les connaissances ne mènent pas à la sagesse.
Une éducation au service d’un objectif supérieur
Pour remplir cette mission sacrée, l’enseignement supérieur doit s’élever d’une simple institution d’acquisition de compétences à celle qui forge la sagesse, claire dans son but et agissant par le biais d’actions transformatrices. Chaque membre de la communauté universitaire, étudiants comme enseignants, doit s’interroger : Pourquoi sommes-nous ici ? La réponse repose sur un devoir sacré : participer à l’appropriation du savoir. Cela implique un effort significatif pour préparer chacun à grandir en sagesse et à vivre avec intégrité.
Agir en cohérence avec la compréhension
De l’intégration du savoir et de la sagesse découle une autre question : Que devons-nous faire aujourd’hui pour servir cette compréhension ? La communauté universitaire doit s’investir activement dans la recherche de connaissance, en la recontextualisant selon les enjeux de son temps et de son environnement. Elle doit appliquer cette connaissance de manière significative, pour favoriser l’épanouissement personnel, améliorer la société, et générer des transformations positives.
Henri Anwar a rappelé que l’IIUM n’a jamais été conçue comme une université ordinaire. Elle a été fondée avec une mission spécifique : former des diplômés incarnant l’intégration des valeurs islamiques à l’excellence intellectuelle, capables d’être des agents de paix et de justice.
Une université comme sanctuaire intellectuel
Il s’agissait d’établir un sanctuaire intellectuel, un centre d’excellence où les diplômés seraient non seulement compétents académiquement, mais aussi moralement éduqués, articulés, tolérants, et libres de tout extrémisme. La fidélité à cette mission exige que l’on forme des personnes non seulement savantes, mais aussi sages et compatissantes.
Une vision holistique de l’islam
Il a souligné que l’islam ne se limite pas aux rituels ou à des visions traditionnelles. C’est une manière de vivre intégrale, qui prône la justice, la paix, la miséricorde et la dignité humaine. IIUM doit ainsi favoriser des diplômés incarnant ces valeurs dans leur vie personnelle et professionnelle. En tant qu’institution multiculturelle accueillant des étudiants issus de diverses régions, souvent ravagées par la guerre ou issues de minorités, elle doit continuer à être un modèle de tolérance et de coexistence respectueuse.
L’engagement dans la poursuite de la justice et de la paix
Anwar Ibrahim exhorte l’IIUM à continuer d’être un exemple dans la promotion de la paix, l’acceptation de la diversité, et la lutte contre la pauvreté et l’injustice. Rester fidèle à la mission de l’université nécessite une constante révision de nos actions pour qu’elles soient en accord avec ses valeurs fondatrices.
Une responsabilité partagée
L’environnement universitaire vit par ses membres. Enseignants et personnel doivent s’engager pleinement dans la mission en développant continuellement leurs compétences, tout en remplissant leur rôle de murabbis (éducateurs-mentors). Ils doivent guider non seulement intellectuellement, mais aussi de manière éthique et spirituelle. Les processus institutionnels doivent refléter cette recherche d’excellence, en cultivant rigueur intellectuelle et intégrité morale : l’université doit être un jardin de savoir et de vertu.
Le rôle des étudiants dans la construction du futur
Puisque la vie étudiante est relativement courte, il revient à chaque étudiant d’exploiter au maximum l’écosystème académique : professeurs, bibliothèques, activités de réflexion intellectuelle. La vie universitaire constitue une étape décisive dans la formation des valeurs, de l’état d’esprit et de la direction à prendre. Elle doit être abordée avec sincérité, discipline et but. Ainsi, chaque étudiant doit viser l’excellence dans ses études, tout en cherchant comment ce savoir peut servir l’humanité. Les diplômés de l’IIUM doivent devenir des ambassadeurs du ilm (connaissance), du hikmah (sagesse), et du adl (justice), incarnant cette mission par leur comportement, leur tolérance, leur sagesse et leur courage moral. Ils doivent agir de manière inclusive, dignifiée, et respecter la diversité.
Un message d’espoir et de responsabilité
Le message d’Anwar Ibrahim à la communauté de l’IIUM est clair : préserver l’idéal initial de l’université, former des esprits et des cœurs équilibrés, et promouvoir l’islam comme une foi de justice, de sagesse et d’humanité. Selon lui, l’IIUM doit continuer à être une lumière guidant non seulement la Malaisie, mais aussi le monde musulman et au-delà. Elle doit demeurer une université qui harmonise foi et raison, connaissance et valeurs, tradition et modernité. N’oublions pas : être éduqué, c’est avoir la responsabilité de servir l’humanité avec compassion, courage et conscience.
Shukran Abd Rahman est professeur de Psychologie industrielle et organisationnelle à la Faculté des sciences islamiques révélées et des sciences humaines, à l’Université islamique internationale de Malaisie. Ses axes de recherche incluent le développement de carrière, l’évolution des institutions d’enseignement supérieur, la culture organisationnelle, la culture académique, ainsi que l’employabilité des étudiants.
Sharifah Fatimah Al-Attas est maîtresse de conférence en Sociologie au département de sociologie et anthropologie de la même faculté. Ses intérêts de recherche portent notamment sur la cohésion sociale, les inégalités, le genre, l’engagement communautaire, le changement social, et la dynamique familiale.
