Alors que les pays arabes ont condamné la guerre menée par Israël à Gaza, certains ont secrètement renforcé leur coordination militaire avec Tel Aviv pendant le génocide, selon des documents américains divulgués et obtenus par Le Washington Post et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Les documents, produits par le Commandement central américain (CENTCOM), montrent qu’au cours des trois dernières années, Israël et six pays arabes – l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Égypte, la Jordanie, Bahreïn et les Émirats arabes unis (EAU) – ont participé à un cadre appelé « Construction de sécurité régionale ». Facilitée par les États-Unis, l’initiative s’est concentrée sur les menaces régionales, l’Iran et les tunnels souterrains, tactiques fréquemment utilisées par le Hamas à Gaza.
Les rapports révèlent que de hauts responsables militaires israéliens et arabes ont tenu des réunions à Bahreïn, en Égypte, en Jordanie et au Qatar. En mai 2024, les documents montrent qu’ils se sont réunis à la base aérienne d’Al-Udeid au Qatar, une importante installation militaire américaine. Un document de planification rédigé deux jours avant la réunion indiquait que la délégation israélienne devait se rendre directement à la base, « contournant les points d’entrée civils du Qatar qui auraient pu risquer d’être exposés au public ».
L’Iran et « l’Axe du Mal »
Les fichiers divulgués montrent également que la menace posée par l’Iran a été le moteur de ces liens plus étroits, encouragés par le commandement central de l’armée américaine. Un document décrit l’Iran et ses milices alliées comme « l’Axe du Mal », tandis qu’un autre comprend une carte montrant des missiles au-dessus de Gaza et du Yémen, où les alliés iraniens détiennent le pouvoir.
Selon Le Washington Post et l’ICIJ, cinq présentations PowerPoint du CENTCOM détaillent la création du « Construct de sécurité régionale ». Aux côtés d’Israël et du Qatar, le projet comprenait Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, tandis que le Koweït et Oman figuraient sur la liste des « partenaires potentiels ».
L’authenticité des documents a été vérifiée grâce aux archives du ministère de la Défense et aux archives militaires. Le Washington Post a rapporté que les responsables du CENTCOM, Israël et les six pays arabes ont refusé de commenter.
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Les dirigeants arabes en public
Malgré cette coopération secrète, les dirigeants arabes ont dénoncé la campagne israélienne à Gaza. Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre, l’émir du Qatar a qualifié le conflit de « guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien » et a accusé Israël d’être « un État hostile à son environnement, complice de la construction d’un système d’apartheid ».
Le ministère saoudien des Affaires étrangères a qualifié les actions d’Israël de « famine » et de « nettoyage ethnique » des Palestiniens.

Les présentations divulguées soulignent que la coopération « ne forme pas une nouvelle alliance » et que les réunions devaient se dérouler « en toute confiance ». Un titre indiquant « NE PAS FAIRE » informait les participants qu’ils ne devaient pas prendre de photos ni donner accès aux médias. Une note en gras au-dessus de l’itinéraire rappelait au personnel les restrictions culinaires pour les participants juifs et musulmans : « Pas de porc/crustacés ».
Les documents confirment également une réunion de janvier 2025 à la base militaire de Fort Campbell dans le Kentucky, où les forces américaines ont formé leurs partenaires à la détection et à la neutralisation des menaces provenant des tunnels, une référence au réseau souterrain du Hamas à Gaza. Le personnel du CENTCOM a également dirigé des séances pour « propager (un) récit de partenariat sur la prospérité et la coopération régionales ».
Méfiance arabe
Suite à l’attaque israélienne du 9 septembre contre la capitale du Qatar visant les dirigeants du Hamas, la confiance au sein du groupe a été ébranlée. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a ensuite présenté ses excuses au Qatar le 29 septembre, à la demande de l’administration Trump, et s’est engagé à ne plus mener de telles attaques.

Emile Hokayem, directeur de la sécurité régionale au sein du groupe de réflexion Institut international d’études stratégiques, a déclaré que les États-Unis espéraient depuis longtemps que la coopération militaire entraînerait une normalisation politique entre Israël et les États arabes.
Cependant, même si travailler discrètement avec les chefs militaires des pays permet d’éviter des discussions politiques épineuses, cette approche « obscurcit ou cache la réalité » des tensions entre les parties, a-t-il déclaré.
Ces tensions, a déclaré Hokayem, étaient pleinement visibles après la frappe israélienne au Qatar. « Un membre clé de l’effort américain en a attaqué un autre, l’Amérique étant considérée comme complaisante, complice ou aveugle », a-t-il déclaré. « La méfiance qui en résulte va gâcher les efforts américains pour les années à venir. »
Thomas Juneau, professeur à l’Université d’Ottawa dont les travaux portent sur les questions de sécurité au Moyen-Orient, a déclaré : « Il y a beaucoup d’inquiétude dans les États du Golfe quant à ce que fera un Israël sans entrave. Mais en même temps, ils dépendent des États-Unis comme garants de leur sécurité… et ils sont également très préoccupés par l’Iran. »
Ni les responsables américains ni aucun gouvernement arabe n’ont confirmé publiquement la coopération décrite dans ces documents.
Ce rapport est entièrement basé sur des documents obtenus et vérifiés par le Washington Post et l’ICIJ.






