Cologne fait parler d’elle, mais cette fois, ce n’est ni pour son célèbre carnaval ni pour sa cathédrale gothique. Dans un pas inédit pour l’Allemagne, la ville entend aujourd’hui la voix du muezzin s’élever officiellement depuis la mosquée centrale. Entre fierté, prudence et débats sous le soleil rhénan, décryptage d’une première aux mille échos.
Une première qui fait vibrer (modérément) les murs de Cologne
Vendredi, la mosquée centrale de Cologne lance un projet-pilote aux saveurs toutes particulières : l’appel du muezzin à la prière retentira pour la première fois dans la ville. N’imaginez pas réveiller tout le centre avec un mégaphone — l’expérience s’avère bien encadrée. Le volume sonore sera réduit et la portée de l’appel ne devrait dépasser que modestement le voisinage immédiat de la mosquée Ditib, nichée dans le quartier d’Ehrenfeld, au nord-ouest de la cité.
- L’appel du muezzin durera cinq minutes, entre 12h et 15h, en fonction de la position du soleil.
- Ce dispositif fait l’objet d’un accord entre la mosquée et la municipalité, avec des engagements clairs : informer les riverains et limiter la puissance sonore.
- Côté tradition, la pratique est déjà autorisée ailleurs en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la région la plus peuplée d’Allemagne.
Un symbole fort sous la coupole de Cologne
Inaugurée en 2018 par le président turc Recep Tayyip Erdogan, la mosquée centrale de Cologne ne passe pas inaperçue : ses minarets culminent à 55 mètres, la coupole s’étire sur 36 mètres et l’ensemble affiche fièrement 4 500 m². Un monument, au propre comme au figuré, dans une ville de plus d’un million d’habitants. Mais au-delà de la pierre et du béton, c’est la question du vivre-ensemble qui se murmure entre chaque prière.
Henriette Reker, la maire de Cologne, célèbre cette décision à sa manière en saluant « un signe de respect » et « un exemple d’acceptation mutuelle de la religion », dans une métropole aussi célèbre pour sa cathédrale que pour la diversité de ses croyances.
- Pour Abdurrahman Atasoy, vice-président de Ditib (Union turco-islamique des affaires religieuses), cet accord est « un signe d’appartenance des musulmans ».
- L’appel public à la prière, déjà en place dans plusieurs villes de la région, prend ici une dimension nationale.
Un projet sous surveillance et sous tension
Mais derrière la nouveauté, l’expérience est scrutée à la loupe. Si la municipalité mise sur la pédagogie auprès des riverains et un contrôle strict du volume, Ditib, gestionnaire de la mosquée, continue d’alimenter les débats. L’union gère en effet 900 lieux de culte en Allemagne, avec des imams turcs, et se voit régulièrement accusée de défendre les intérêts du régime d’Erdogan. Ses détracteurs vont même jusqu’à l’accuser d’espionner les opposants au président turc.
- L’appel à la prière, même modeste, prend donc une dimension hautement politique.
- Le projet-pilote pourrait servir d’exemple… ou de repoussoir, selon comment il sera perçu par la société allemande.
Entre ouverture, méfiance et dialogue
Cologne, par cette initiative, tend la main à une population musulmane importante, tout en rassurant ceux pour qui tout changement rime avec inquiétude. Expérimenter l’appel du muezzin, c’est avant tout accepter de prêter l’oreille à une autre voix que la sienne. La réussite du projet dépendra sans doute autant de la technique (le volume bien réglé et les voisins bien prévenus) que de la capacité de la cité rhénane à faire dialoguer ses différentes sensibilités.
Conseil pratique : Si vous habitez dans le quartier d’Ehrenfeld, cinq minutes d’écoute attentive, c’est peut-être l’occasion de découvrir un patrimoine vivant… ou d’ajuster vos horaires de sieste ! Et pour tout le reste de l’Allemagne, l’expérience de Cologne sera observée à la loupe. Qui sait, la coexistence harmonieuse, c’est peut-être ça, la vraie révolution tranquille.






