Actualités

Ashura et Muharram : Célébrations et traditions des Sunnites et Chiites

À l’aube de chaque année du calendrier lunaire islamique, dans plusieurs régions du monde musulman, les dix premiers jours sont commémorés en mémoire d’un événement profondément tragique et terrible. Dans des pays comme l’Iran et l’Irak, les musulmans organisent des représentations passionnées, appelées passion plays, pour revivre cette histoire. En Inde et au Pakistan, la communauté mobilise d’énormes processions où circulent des tazias, des répliques du tombeau de Husayn. Les musulmans chiites se remémorent avec intensité ces dix jours du mois de Muharram, qui correspondaient dans le premier siècle de l’islam à une période où le petit-fils du prophète Muhammad , Imam Husayn , s’opposa à l’autorité de Yezid, le souverain omeyyade. Par cette résistance, il affirma que parfois, la poursuite de certains objectifs dans la vie dépasse la simple survie physique.

Imam Husayn incarnait le principe islamique de justice et de droiture. Il prit la parole pour défendre ceux qui étaient marginalisés par une caste de dirigeants, établissant ainsi une opposition à des règles de dynastie sur la base de valeurs coraniques. Imam Husayn refusait de se rendre face aux forces de l’oppression, sachant parfaitement qu’il risquait sa vie dans ce combat.

Ce mois de Muharram est un temps de profonde méditation pour la communauté musulmane. Si les Chiites célèbrent ces dix jours comme une période de deuil public, les Sunnites évitent tout signe visible de réjouissance, comme les mariages, et insistent sur le jeûne du 10e jour pour rappeler la sortie d’Égypte du prophète Moïse. En général, la majorité des musulmans sunnites n’associent pas explicitement cette journée au martyre d’Imam Husayn . Dans plusieurs parties du monde, cependant, ce mois est devenu une source de conflit sectaire entre Chiites et Sunnites : ainsi, la figure et l’héritage d’Imam Husayn sont parfois perçus à tord comme sujet de division religieuse.

Imam Husayn était le petit-fils du prophète Muhammad, et il vécut selon le modèle de vie de son grand-père. Il incarnait les qualités prophétiques dans son caractère, restant profondément attaché aux valeurs coraniques de justice et d’égalité. Son combat visait à défendre la justice et les principes islamiques pour que les hommes et les femmes vivent avec dignité. Lorsqu’un pouvoir usurpé par les dirigeants omeyyades instaurait une monarchie dynastique, sans respecter la légitimité du choix populaire ou la vie humaine, Imam Husayn mobilisa sa famille puis ses soutiens pour défier l’autorité de Yazid, le calife de l’époque. Beaucoup de ses partisans le trahirent ou se retirèrent au dernier moment, mais sa famille resta fidèle à ses côtés dans la plaine de Karbala, dans l’actuelle province irakienne, affrontant la puissance d’un armement organisé, équipé et entraîné.

Le résultat de cette lutte était connu dès le départ. Imam Husayn savait que le rapport de force était déséquilibré. Il aurait pu opter pour une retraite tactique ou reconnaître la légitimité du califat omeyyade. Il aurait pu accepter les pratiques du tribunal de Damas. Pourtant, il choisit de rester ferme, en pleine conscience que sa vie et celle de ses supporters pouvaient être sacrifiées. Il ne fuit pas. Il comprenait précisément la raison de sa présence et de son défi. Il combattrait courageusement jusqu’à son dernier souffle, laissant derrière lui des blessures sanglantes comme une preuve de sa foi en un principe supérieur : que parfois, la liberté et la justice comptent plus que la vie elle-même.

Ce sacrifice représentait une lutte pour les droits humains et la dignité de chaque individu. Ce geste a profondément marqué l’histoire des idées, illustré par la célèbre phrase d’un des grands pères fondateurs américains, Patrick Henry : « Donne-moi la liberté, ou donne-moi la mort. » Depuis lors, cette détermination a inspiré d’innombrables générations à lutter contre l’injustice et l’oppression. Imam Husayn demeure un symbole vivant de l’engagement musulman à cœur. Son exemple ne doit pas être réduit à un conflit sectaire entre Sunnites et Chiites. Il a suivi le chemin tracé par les prophètes. Si ces derniers étaient encore vivants, ils ne changeraient pas leur attitude face à la lutte pour la justice.

Les Chiites et les Sunnites doivent unir leurs forces pour préserver l’héritage et le sacrifice de ce petit-fils du prophète Muhammad , Imam Husayn . Les Chiites doivent dépasser la seule commémoration passionnée et les Sunnites reconnaître l’ampleur de cette tragédie historique, qui dépasse les divisions sectaires et politiques. Tous les musulmans doivent se rappeler Imam Husayn pour son dévouement à la justice, tel qu’enseigné dans le Coran : «… ordonne le bien, interdis le mal, et supporte patiemment tout ce qui t’arrive : voilà des choses auxquelles il faut aspirer. » (31:17).

Laisser un commentaire

Avatar de Abdelhafid Akhmim