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Travailler en crèche avec le voile : ce que personne n’ose vous dire

Travailler en crèche avec le voile : ce que personne n’ose vous dire

Lourde tâche sur de petites épaules : laïcité en crèche, mode d’emploi (ou presque)

Travailler en crèche, c’est bien plus que changer des couches et consoler les bobos. C’est aussi porter, parfois sans le savoir, le poids de sujets brûlants, comme la laïcité. Directrices, éducatrices de jeunes enfants ou puéricultrices, que vous œuvriez dans une petite crèche privée, associative, dans un grand groupe ou directement sous la municipalité, certaines questions sur la laïcité persistent dans le flou artistique. Un flou qui, tel un doudou fatigué, se refile de génération en génération. On fait souvent « comme on a toujours fait », histoire d’éviter d’attirer la foudre ou de provoquer des débats houleux autour du café de 10h (déjà bien assez corsé comme ça). Mais les directives sont-elles clairement exposées ? Sont-elles inscrites noir sur blanc dans les projets de la structure ? Mystère et boule de gomme.

La laïcité : même elle, elle a plusieurs versions

Autant vous prévenir, tous les pays ne pratiquent pas la laïcité sur la même partition. Pour certains (Canada, Pays-Bas), c’est open-bar pour l’expression des convictions religieuses ; pour d’autres (coucou la France !), les croyances restent sagement à la maison. Eh oui, la laïcité à la française exige la neutralité de tous les services publics. Pour les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) municipaux, c’est clair comme de l’eau de roche : pas de signe religieux, le voile reste au placard.

Mais quid des crèches privées, associatives ou des gros groupes ? Là, c’est légèrement moins évident. En tout cas, concernant le port du voile, les choses sont posées dans le règlement intérieur des EAJE ou, pour les agents de la fonction publique, dans l’article L.121-2 du code général de la fonction publique : obligation de neutralité religieuse ! Pour eux, la question ne se pose même pas. Mais comme le secteur de la petite enfance n’a pas le luxe d’un ministère dédié, d’autres interrogations surnagent, prêtes à faire surface dès qu’on commence à gratter un peu…

Le quotidien, entre zones grises et pratiques bien huilées

Prenons un exemple concret : mardi, une maman voilée souhaite accompagner le groupe à la bibliothèque. On fait quoi ? On lui demande d’ôter son voile sur le trajet ? Ou seulement dans le lieu public ? Suspense… et casse-tête assuré. Autre interrogation qui agite régulièrement les réunions d’équipe :

  • Fête-t-on Noël ou, plus sobrement, les fêtes de fin d’année ?
  • Doit-on inscrire « vacances de printemps » ou « vacances de Pâques » sur le livret d’accueil ?

Après bien des discussions (et sans doute quelques débats animés), le constat s’impose : les enfants ont besoin de repères dans l’année, d’un rythme fait de fêtes et de pauses. À 2 ou 3 ans, difficile de comprendre Halloween et ses squelettes effrayants alors qu’ils vivent la « période du réel ». Mais dans la société française, il est ancré que l’on découvre les traditions très tôt, comme le carnaval et ses déguisements… alors, on adapte !

La solution trouvée dans certaines structures ? Garder les fêtes, mais les traiter sous l’angle le plus neutre possible, en privilégiant :

  • les traditions païennes, provençales ou niçoises, sans religiosité aucune,
  • des célébrations autour des saisons et de la nature plutôt que des fêtes religieuses explicitement nommées.

Résultat, dans la pratique :

  • Fêtes de fin d’année : pas de Père Noël, place à la banquise et au Pôle Nord !
  • Halloween : on explore insectes et potirons, bien plus sympas que les sorcières pour des tout-petits.
  • Chandeleur : crêpes et gourmandise, sans le folklore religieux.
  • Vacances de printemps : on célèbre les fleurs et les animaux.

Le petit plus maison : plantation de lentilles dans du coton début décembre, verre offert en fin d’année à chaque famille pour porter chance, comme les paysans provençaux. Et la couronne des rois, plus laïque que la galette – oui, c’est possible ! – pour partir à la découverte des fruits confits du coin. Sans oublier, bien sûr, nos événements fétiches de la petite enfance :

  • La semaine des Droits de l’enfant
  • La journée en pyjama
  • La journée du handicap (chaussettes dépareillées, on adore !)
  • La grande lessive

Toutes ces occasions d’apporter de la gaieté, de la créativité, et du sens au quotidien.

Conclusion : la neutralité joyeuse, ça s’apprend !

Au bout du compte, adopter la neutralité en crèche n’est pas une question de coupe au carré ou de risquer un faux pas à chaque coin de salle de jeux : c’est un parti pris assumé. Les fêtes, traitées avec intelligence et éloignées de toute connotation religieuse, offrent aux enfants et aux parents des repères essentiels, tout en préservant l’identité laïque de la structure.

En tant que professionnel(le) de la petite enfance, il est essentiel de savoir mettre ses convictions personnelles de côté pour que chaque fête, chaque activité, accueille tous les enfants, dans la tolérance et la bienveillance. Bref, la laïcité en crèche : un zeste de bon sens, une pincée de créativité, le tout saupoudré de respect.

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