Un projet secret, des réunions clandestines, des plans d’attentats islamophobes : la justice vient de trancher dans l’affaire du groupuscule d’extrême droite Action des forces opérationnelles. Retour sur la réalité derrière les fantasmes, et sur une condamnation qui en dit long sur notre époque.
Un procès pour « association de malfaiteurs terroriste »
Ce mardi, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict à l’issue d’un procès retentissant. Douze membres du groupuscule d’extrême droite Action des forces opérationnelles (AFO) étaient jugés pour avoir planifié des projets d’attentats islamophobes. Le résultat : ils ont tous été reconnus coupables d’« association de malfaiteurs terroriste ».
Six d’entre eux, âgés de 39 à 76 ans, ont été condamnés à deux ans d’emprisonnement ferme. Mais la fermeté a pris une forme… moderne : ils devront purger leur peine à domicile, sous bracelet électronique. Ambiance bracelet connecté, mais sans la partie fitness. Parmi les condamnés figure Guy Sibra, le fondateur autoproclamé d’AFO (72 ans), Bernard Sorel, le chef de la cellule Ile-de-France (76 ans), et Daniel Raimbault, ancien militaire de 39 ans recruté pour ses compétences en explosifs. Rappelons que sur le papier, le ministère public réclamait même cinq ans de prison ferme contre ce dernier.
Pour les autres prévenus : un an de prison ferme pour l’un, cinq peines de prison avec sursis pour d’autres, dont trois femmes. Quatre personnes ont été relaxées (ouf !) de l’accusation d’association de malfaiteurs terroristes, même si trois d’entre elles devront tout de même régler des amendes pour détention illicite d’armes. Pas franchement le best of du potager local, cette équipe.
Des projets glaçants révélés lors du procès
En août, alors que le procès s’ouvrait dans la ferveur des tragiques assassinats islamophobes d’Aboubakar Cissé (avril) et Hichem Miraoui (fin mai), une juge antiterroriste dressait le portrait d’une « organisation hiérarchisée et structurée » préparant « des actions violentes concrètes dans des lieux symboliques ».
Les intentions d’AFO ? Elles se résument tristement à :
- L’« opération halal » : les femmes du groupe devaient se déguiser en niqabs pour empoisonner de la nourriture dans les rayons halal de supermarchés, à l’aide de cyanure ou de mort-aux-rats.
- L’assassinat de « 200 imams radicalisés » (dixit leurs propres mots),
- La mise à feu de la porte d’une mosquée de Clichy-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine.
- Last but not least, le projet d’attenter à la vie du rappeur Médine, qui s’est constitué partie civile dans l’affaire.
Autant de velléités de violence remontées lors de réunions, par mails ou notes saisies, comme l’a rappelé le parquet.
Une défense délirante ou la stratégie du « ce n’était que des paroles »
Les principaux accusés n’ont pas hésité à jouer la carte du survivalisme pour se défendre. Selon eux, ils n’étaient venus que pour profiter d’une formation de survie, histoire d’être prêts, sait-on jamais, pour une guerre civile (on n’est jamais trop prudent… ou trop filmé). Pas question, insistent-ils, de passer à l’acte : leurs propos n’étaient selon eux que « des paroles en l’air », « des fantasmes »… Autant dire que la justice, elle, y a vu beaucoup plus qu’un jeu de rôle entre voisins farceurs.
Les avocats de la défense ont tout tenté pour faire tomber la qualification d’« association de malfaiteurs terroristes », dont le plafond — dix ans de prison ! — a fait froid dans le dos à plus d’un, évoquant des projets « à un stade embryonnaire ». Cela n’a pas suffi. Le tribunal, lui, n’a pas perçu l’humour ou l’embryon, et encore moins la pertinence d’attendre que le funeste devienne concret.
Un contexte alarmant d’augmentation des actes islamophobes
Ce jugement s’inscrit dans une actualité brûlante. Entre janvier et mai 2025, les actes islamophobes ont explosé (+75 %) par rapport à l’année précédente selon le ministère de l’Intérieur, passant de 83 à 145. Ce sont principalement des atteintes aux personnes, en hausse spectaculaire de 209 %. De quoi rappeler que les propos et les fantasmes peuvent facilement déboucher sur des réalités bien plus sombres si la société garde le silence ou ferme les yeux.
La vigilance n’est donc pas un vain mot. Et si vous tendez la main à un journalisme indépendant, sachez que moins d’un quart des lecteurs et lectrices réguliers soutiennent financièrement ce travail. En ces temps tourmentés, pas besoin de projet secret pour cela : un abonnement ou un don suffit à donner de la voix à ceux qui la portent, sans peur et sans arrière-pensée.
La condamnation d’AFO marque-t-elle un tournant ? En tout cas, elle sonne comme un sérieux rappel : derrière des mots, il y a parfois des actes. Restons lucides, solidaires, et ne jouons jamais avec la haine, même « en l’air ».






