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Le Monde Terrifiant Après l’Attaque d’Israël contre l’Iran : Conséquences et Risques à Venir

Il y a vingt ans, les États-Unis avaient alerté prématurément sur ce qu’ils appelaient les « douleurs de la naissance » d’un nouvel ordre au Moyen-Orient. Aujourd’hui, ces bouleversements sont arrivés en force, et il est peu probable qu’ils se limitent à l’Iran.

Les responsables politiques occidentaux et les médias tentent de leur mieux de dissimuler l’évidence : présenter la guerre déclarée d’Israël contre l’Iran comme une simple réaction « défensive » est une tentative de manipulation bien fragile.

Ce dernier épisode est d’ailleurs sans précédent, car il ne repose pas sur un prétexte rationnel, contrairement à ce qui avait été le cas lors de l’offensive israélienne contre Gaza, suite à l’attaque surprise du Hamas le 7 octobre 2023. À l’époque, certains avaient invoqué la nécessité de répondre à une attaque d’une journée pour justifier un génocide en masse.

Il n’y a pas eu non plus de scénarios apocalyptiques fabriqués à l’avance, comme ce fut le cas avant l’invasion illégale de l’Irak par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003. À cette époque, on nous a fait croire que Baghdad possédait des armes de destruction massive capables de lancer une attaque contre l’Europe en moins de 45 minutes.

En revanche, lorsque Israël a lancé sa frappe sans provocation contre l’Iran, la semaine dernière, ce dernier était plongé dans des négociations avec Washington à propos de son programme de enrichissement nucléaire.

Les propagandistes occidentaux ont pistonné avec enthousiasme Michael Netanyahu, le Premier ministre israélien, qui a affirmé que son pays a été contraint d’agir parce que l’Iran était sur le point de produire une bombe nucléaire — une déclaration dénuée de toute preuve, qu’il profère depuis 1992. Et pourtant, aucune de ses mises en garde alarmistes ne s’est jamais vérifiée dans la réalité.

Ce qui est aussi frappant, c’est que l’attaque israélienne a été lancée peu après que le président Donald Trump a exprimé son espoir d’un accord nucléaire avec Téhéran, et deux jours avant que des pourparlers entre les deux pays ne soient à nouveau programmés. En mars dernier, Tulsi Gabbard, alors chef du renseignement américain, avait déclaré dans le cadre du rapport annuel des services de renseignement que « l’Iran ne construit pas d’arme nucléaire et que le Guide suprême Khamenei n’a pas autorisé de programme nucléaire qu’il aurait suspendu en 2003 ».

Selon quatre sources proches de cette évaluation, rapportées par CNN, l’Iran ne cherche pas à élaborer une bombe nucléaire, mais si toutefois il changeait de cap, il lui faudrait « jusqu’à trois ans pour pouvoir produire et livrer une ogive à une cible de son choix ».

Malgré cela, dès mardi, Donald Trump semblait se préparer à rejoindre Israël dans son offensive. Il a publiquement désavoué la conclusion de ses propres services de renseignement, expédié des avions de guerre américains au Moyen-Orient via la Grande-Bretagne et l’Espagne, exigé la « reddition inconditionnelle » de l’Iran, et laissé entendre, de façon à peine voilée, qu’il pourrait tuer Khamenei.

‘L’option Samson’

Depuis des années, Israël prépare habilement la mise en place d’un faux prétexte pour justifier une attaque contre l’Iran — une manœuvre qualifiée par le tribunal de Nuremberg en 1945 comme étant le « crime international suprême ». La construction de cette excuse n’est pas un mouvement récent.

Les négociations entre Washington et Téhéran n’ont été nécessaires que parce qu’à la demande pressante d’Israël, lors de son premier mandat, Donald Trump a rompu un accord existant avec l’Iran. Ce dernier, négocié par Barack Obama, visait à apaiser les tensions en limitant de façon drastique le programme d’enrichissement d’uranium de Téhéran, bien en dessous du seuil permettant à l’Iran de passer d’un usage civil à un programme d’armement nucléaire.

Pendant ce temps, Israël a pu conserver un arsenal nucléaire d’au moins 100 têtes, tout en refusant, contrairement à l’Iran, de signer le Traité de non-prolifération nucléaire, et en refusant d’accorder l’accès à des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. La collusion occidentale dans le secret entourant la possession d’armes nucléaires israéliennes — une politique connue sous le nom d’ »ambiguïté » — n’est devenue possible que parce que Washington ne peut pas fournir une aide militaire à un État dont les armes nucléaires ne sont pas déclarées. Israël, bien entendu, est de loin le principal bénéficiaire de cette aide.

Personne, sauf quelques racistes invétérés, ne croit sérieusement qu’un Iran doté d’une arme nucléaire choisirait de se suicider en lançant un missile nucléaire contre Israël. La crainte israélienne ou américaine repose en réalité sur un autre fondement : que la double norme permette à Israël d’être le seul État nucléaire au Moyen-Orient, afin qu’il puisse projeter une puissance militaire débridée sur une région riche en pétrole, que l’Occident souhaite contrôler.

L’arsenal nucléaire israélien, intouchable et hors de toute responsabilité, laisse présager qu’Israël pourrait utiliser cette menace comme une arme de dissuasion ultime — la « option Samson » — en cas de menace existentielle, plutôt que de risquer la destruction. La ministre israélienne de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a récemment laissé entendre, dans une déclaration rapportée, que cette hypothèse pourrait devenir réalité : « Il y aura d’autres jours difficiles à venir, mais souvenez-vous toujours de Hiroshima et Nagasaki. »

Il faut garder à l’esprit que pour Israël, toute menace à l’existence actuelle de l’État comme colonie de peuplement, occupant et dépossédant de force le peuple palestinien, est considérée comme une menace existentielle. Ainsi, le fait que ses armes nucléaires lui permettent de commettre des génocides à Gaza sans crainte de représailles est un facteur décisif dans ses stratégies.

La propagande de la guerre

L’argument selon lequel Israël se rélève en « se défendant »face à l’Iran – une version relayée par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Union européenne, le G7 et même les États-Unis — constitue une violation flagrante des principes fondamentaux du droit international.

L’affirmation suppose que l’attaque israélienne était « préventive » — ce qui pourrait, en théorie, être justifiable si l’on pouvait prouver qu’une menace imminente, crédible et grave pesait sur Israël, et qu’aucun autre moyen ne pouvait l’éviter. Or, même en admettant, ce qui n’est pas le cas, qu’une telle menace existât, le fait que l’Iran était en négociation avec Washington sur son programme nucléaire annule totalement cette justification.

En réalité, la prétendue menace future que représenterait l’Iran constitue une guerre « préventive » — une opération strictement illégale selon le droit international.

Il est instructif de comparer la réaction occidentale face à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, il y a trois ans. À cette époque, Bruxelles et Washington avaient condamné sans ambiguïté l’action de Moscou comme « injustifiable » et avaient décidé d’imposer des sanctions économiques draconiennes, tout en soutenant militairement Kiev. Le message était clair : toute agression russe était illégitime, quelles que soient les circonstances.

Pourtant, l’attaque israélienne contre l’Iran est d’une flagrante illégalité encore plus grande.

Le Premier ministre Netanyahu, déjà recherché par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité à Gaza, est désormais coupable du « crime international suprême ». La communauté internationale doit faire face à cette nouvelle étape dans la dégradation du droit international à la faveur des ambitions impérialistes de l’État sioniste.

Les politiciens occidentaux et les médias, propriété de milliardaires, véhiculent de leur côté une narration biaisée : celle d’un Israël courageux, confronté seul à la menace existentielle, assiégé par des terroristes barbares, un Israël souffrant et humain, dirigé par un Netanyahu fort — plutôt que par un criminel de guerre.

Ce récit, usé jusqu’à la corde, est relancé à chaque épisode, indépendamment des faits, afin de dissimuler la réalité : nous sommes, une fois encore, soumis à une propagande de guerre.

L’objectif de changement de régime

Les prétextes d’Israël pour justifier sa guerre d’agression évoluent constamment, changeant de nature et de fond. D’abord, le chef du gouvernement israélien évoquait une menace imminente d’armement nucléaire iranien — une affirmation souvent démentie par les experts. Ensuite, il a avancé la nécessité d’éliminer une menace supposée provenant du programme balistique iranien, en utilisant comme preuve le fait que l’Iran aurait été la cible de missiles iraniens, en réponse, soi-disant, aux frappes israéliennes.

Ce dernier argument est en soi une hypocrisie totale. Israël accuse l’Iran de fabriquer des missiles, tout en lançant lui-même des attaques contre des zones résidentielles en Iran — tout comme il a détruit la quasi-totalité de Gaza, y compris des habitations, des hôpitaux, des écoles, des universités ou des boulangeries.

Les dirigeants israéliens et Trump ont tous deux exhorté en substance les Iraniens à « évacuer immédiatement » Téhéran — ce qui est impossible pour la majorité des 10 millions d’habitants dans le court délai imparti. La contradiction est flagrante : si l’objectif est d’empêcher la développement d’armes nucléaires, pourquoi concentrer les frappes sur la capitale ?

L’argument selon lequel Téhéran devrait être privé de ses missiles balistiques suppose que seuls Israël et ses alliés ont le droit de détenir une capacité de dissuasion militaire. En réalité, cela revient à interdire à l’Iran toute capacité de riposte — notamment quand il s’agit de contre-attaquer aux missiles américains ou israéliens.

Ce que réclame Israël, en fait, c’est que l’Iran soit réduit à un régime comme l’Autorité palestinienne, docile, armé à peine, sous la tutelle totale d’Israël. Et c’est précisément cela qui guide la véritable finalité de l’attaque : instaurer un changement de régime à Téhéran.

Une formation à la torture

Une fois de plus, les médias occidentaux participent à cette nouvelle doxa. Sur des plateaux comme l’émission « Sunday » de la BBC, on a invité Reza Pahlavi, fils de l’ancien Shah d’Iran renversé en 1979, pour que ce dernier appelle à une insurrection en Iran. Under ce discours, tout est présenté comme une volonté de renverser la dictature islamique et de revenir à une monarchie « d’avant ».

Il s’agit d’un récit totalement inventé. La popularité supposée des Pahlavi ne s’est maintenue qu’en étant parrainée par des puissances étrangères, notamment Israël, la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui ont soutenu leur maintien au pouvoir pendant des décennies.

C’est en 1951 que les Iraniens choisi, démocratiquement, Mohammed Mossadegh comme Premier ministre. Ce leader laïque a été renversé deux ans plus tard lors de l’opération Ajax, orchestrée par la CIA et le MI6, parce qu’il avait repris le contrôle national des gisements de pétrole, délaissant les intérêts britanniques. Les services secrets américains et britanniques ont formé la police secrète iranienne, la Savak, en techniques de torture, pour réprimer les résistances du peuple iranien, s’inspirant de celles employées contre les Palestiniens.

Ce contexte a permis aux islamistes d’occuper le terrain démocratique, jusqu’à mener la révolution contre le régime pro-occidental, et faire revenir l’ayatollah Khomeini à la tête de la nouvelle République islamique en 1979.

Sous la houlette de Khomeini, une fatwa fut prononcée en 2003, interdisant à l’Iran de développer toute arme nucléaire, considérant cela comme contraire à la loi islamique. La réticence iranienne à se doter d’une bombe nucléaire résulte donc d’obligations religieuses, et non d’un quelconque secret d’État.

Ce que l’Iran a entrepris à la place — notamment en développant un dispositif défensif, un programme d’autonomie en matière d’énergie nucléaire et un soutien actif aux alliés régionaux — a toujours été perçu par Israël comme une menace à neutraliser.

L’Iran possède aussi de vastes réserves énergétiques, ce qui lui confère une capacité de dissuasion géopolitique. La mer d’Hormuz, porte d’entrée de ses exportations de pétrole, reste une ligne rouge qu’il pourrait couper à tout moment, en cas de conflit.

En formant des alliances avec ses communautés religieuses, comme le Hezbollah libanais ou le gouvernement syrien, l’Iran construit une frontière stratégique. Mais paradoxalement, c’est cette volonté de s’autonomiser qui suscite la haine que lui porte Israël : il n’a pas intérêt à ce qu’un Iran fort et indépendant menace la régionalisation israélienne et occidentale.

Ce sont le soutien à la résistance palestinienne, la capacité de dissuasion et le refus d’être soumis qui expliquent l’opposition de l’État hébreu à toute réconciliation. Ainsi, l’objectif ultime n’est pas simplement de démanteler un programme nucléaire, mais d’instaurer un régime soumis, à la botte des puissances occidentales et israéliennes. L’objectif de cette guerre est donc clair : changer le régime de Téhéran.

Une résistance forgée dans la torture

Les médias occidentaux rapportent peu cette réalité. Lors de la révolution iranienne, puis de l’établissement de la République islamique, le pouvoir a mené une politique de répression intense, utilisant tortures et exil, pour casser la volonté de changement. La brutalité et la décomposition du régime ont renforcé la résistance populaire — qui se maintient à ce jour.

Au moment où Israël mène sa campagne d’agression, tout indique que la réponse populaire à ses attaques ne peut que prendre la forme d’une opposition farouche et déterminée. La résistance iranienne s’est construite dans la douleur, la torture et la répression, et cette expérience forge sa capacité à survivre face à l’impérialisme et à la guerre.

Les Etats-Unis, Israël et leurs alliés cherchent à détruire un État indépendant, mais cette lutte sociale et nationale ne cédera pas face à la violence ou au terrorisme. Au contraire, la menace d’un Iran souverain et résistant demeure, plus que jamais, intacte.

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