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L’Arbre Interdit et le Djinn : Mythes ou Significations Profondes ?

La société moderne s’éloigne de plus en plus d’une vision religieuse basée sur la révélation et la foi. Je refuse de croire que cette évolution est simplement due au succès formidable des institutions scientifiques et technologiques, ni à une insuffisance intrinsèque des religions monothéistes, notamment celles issues d’Abraham.

Selon moi, un facteur essentiel distinct explique cette tendance : l’attitude sclérosée, paresseuse, et la réponse souvent évasive des courants contemporains des religions abrahamiques, en particulier l’islam. Les pratiquants modernes de ces religions n’ont pas réussi à saisir la véritable signification de certains messages portés par la révélation, des messages pourtant cruciaux pour notre époque. Par conséquent, ils se trouvent souvent incapables d’adapter ces messages au contexte moderne, entraînant inévitablement la relégation de ces enseignements dans le domaine des contes de fées ou des mythologies par le grand public.

De fait, plusieurs idées universelles issues du judaïsme, du christianisme ou de l’islam ont été systématiquement ridiculisées avec véhémence par des scientifiques athées, souvent militants et passionnés, sans qu’un contre-argument sérieux et argumenté ne leur soit opposé par les représentants des religions. Pourtant, je suis convaincu que les messages fondamentaux des religions abrahamiques—notamment dans l’islam—sont tout à fait capables de s’harmoniser avec les découvertes modernes de la science, non pas parce qu’on pourrait ou devrait faire en sorte qu’ils paraissent modernes, mais parce qu’ils émanent tous deux de la Vérité. J’ai tenté de le montrer, en particulier dans ce livre, à travers une nouvelle interprétation moderne des récits de l’Arbre Défendu, de la Chute d’Adam, et des jinns.

Je suis persuadé que l’islam conserve de manière paradigmatique le message central de l’héritage abrahamique dans sa forme la plus pure et la plus universelle. Il faut simplement dépoussiérer l’esprit en se dégageant des siècles d’apparent confort et de suffisance, en adoptant une relecture exégétique revitalisée, renforcée par le dernier don divin qu’est la science moderne, ce qui représente aussi une grande responsabilité pour l’humanité.

L’approche herméneutique que je propose dans cet ouvrage, en particulier sur les thèmes de l’Arbre Interdit, de la Chute d’Adam et des jinns, implique une révision profonde de la compréhension traditionnelle de ces sujets dans la religion, touchant notamment la narration de la création de l’homme, le archétype du Péché Originel, ou encore la nature de Satan et des démons.

Mais il ne s’agit pas seulement d’une remise en question de la part des religieux. La vision séculaire, moderne et rationaliste de notre époque doit également faire l’objet d’une réévaluation intellectuelle et existentielle urgente, voire plus encore.

Pour illustrer cette idée, voici une citation de l’un des grands penseurs du humanisme séculaire, Sigmund Freud, qui résume le parochialisme caractéristique de la modernité :

« Au fil du temps, l’humanité a dû subir de la science deux grands affronts à son auto-valorisation naïve. Le premier fut la découverte que notre Terre n’est pas le centre de l’univers, mais une toute petite particule dans un système cosmique d’une immensité difficilement concevable… Le second vint du progrès biologique qui a délaissé l’idée d’une supériorité exceptionnelle de l’homme, en le rejetant de la catégorie des créatures spéciales, et en soulignant l’origine animale dont nous descendons… Mais la plus irritante des insultes est celle que la recherche psychologique moderne jette à la face de la manie humaine de grandeur : elle veut prouver que le “Moi” ne maîtrise même pas sa propre vie psychique, n’étant dépendant que de bribes d’informations inconscientes… »¹

Ce que cette citation omet de souligner, c’est que l’affirmation selon laquelle l’humanité aurait une place centrale dans le plan divin ne concerne pas tant la position géographique ou biologique, mais plutôt le fait que l’être humain est au cœur du projet divin d’un test cosmique, basé sur la liberté et la conscience. Un test par définition ne doit pas forcément être simple ou évident dans toutes ses dimensions.

Il est courant, chez certains critiques de la religion, d’évaluer les croyances abrahamiques en utilisant uniquement une logique scientifique quotidienne et superficielle, sans comprendre leur fondement et leur mode de fonctionnement véritable. Parmi eux, Richard Dawkins, Lawrence Krauss ou Victor J. Stenger illustrent cette erreur de raisonnement. Je donnerai ici un seul exemple de cette erreur d’appréciation, en particulier de la vacuité de leur argumentaire.

Victor J. Stenger, physicien et athée, affirme dans son ouvrage au titre provocateur, God: The Failed Hypothesis :

« Mon analyse se fonde sur l’idée que Dieu devrait être décelable par des moyens scientifiques, simplement parce qu’il jouerait un rôle si central dans l’univers et dans la vie humaine. Or, aucun modèle scientifique actuel ne prévoit une place pour Dieu dans ses descriptions. Si Dieu existe, il doit forcément apparaître dans les marges ou les erreurs de nos modèles scientifiques. »²

Dans cette logique scientiste, Stenger prétend que Dieu devrait être détecté par nos instruments. Mais comment considérer comme une entité matérielle un concept qui transcende la science ? La science ne peut mesurer ou observer la transcendance. Par ailleurs, il existe des notions plus ordinaires qui dépassent aussi la science, comme le moment présent, que nous désignons par “maintenant”. La science ne peut pas la formaliser par une équation ou l’instrumentaliser, mais cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas. De même, nous ne pouvons pas observer directement la conscience ni en capter l’essence, quelle que soit notre technologie. La conscience, la perception du flux incessant du temps, ou encore la réalité de l’existence elle-même sont autant de phénomènes qui échappent à la mesure scientifique.

Prendre la science pour seule référence alors qu’elle a ses limites, c’est s’ériger en être dogmatique et ignorant. Certains philosophes athées, plus avisés, ont compris qu’il ne fallait pas nier ces dimensions. Daniel Dennett, par exemple, considère que la conscience n’a pas d’existence réelle en dehors des illusions créées par notre mental, qu’elle n’est qu’une “allusion” ou un “truc dans la tête”³.

Il faut saisir que cette position, radicalement materialiste, revient à nier la réalité subjective, l’expérience en premier personne qui constitue ce que nous sommes. C’est une forme de déni pure et simple : depuis Darwin, en passant par la cosmologie moderne ou la question du libre arbitre, ces penseurs ont réduit la multiplicité et la complexité de l’existence à des processus aléatoires ou déterministes, rejetant tout ce qui pourrait mettre en question leur vision matérialiste du monde.

Ils affirment, par exemple, que la vie ne nécessite pas un Créateur, puisqu’on peut démontrer qu’elle résulte de processus aveugles et de luttes constantes. En étendant leur raisonnement à l’univers, ils concluent qu’il n’y a rien d’exceptionnel à notre réalité : si notre univers n’est pas unique, mais fait partie d’un multivers, alors tout devient ordinaire. Si l’on peut justifier que nos expériences les plus personnelles, comme la conscience ou la liberté, ne sont que des illusions ou des épiphénomènes, alors aucune dimension transcendante n’est envisageable, et le besoin d’un Créateur disparaît.

Ce genre de raisonnement, cependant, ignore l’évidence incontournable : l’existence elle-même, la réalité ontologique, la spontanéité du phénomène de la vie, la nature fondamentale de la causalité, échappent à une explication purement matérielle. La multiplicité, le hasard et la causalité ne peuvent en rien expliquer la présence de la vie, la conscience ou la conscience de soi.

Mais alors, comment serait-il possible de soumettre la religion à une Analyse rationnelle ? Je peux en donner un exemple : La prétendue faiblesse de la religion, selon certains, réside dans son absence de caractéristiques falsifiables. La question est donc : y a-t-il des aspects falsifiables dans la foi musulmane ? Ma réponse, contraire à ce que pensent la majorité des penseurs anti-religion, est affirmative. Il y a des éléments de la foi islamique susceptibles d’être testés selon une démarche scientifique. Je laisserai cette réflexion pour un ouvrage futur, plus approfondi.

Les penseurs du XXe siècle tels que Marx, Nietzsche ou Freud sont parfois considérés comme les trois grands représentants de l’interprétation sceptique, voire de l’athéisme, car ils auraient dévoilé la “véritable” nature de la religion. Marx parlait de la religion comme de l’opium du peuple ; Nietzsche la voyait comme une fuite des faibles ; Freud la considérait comme une illusion née du désir profond de l’homme à une figure paternelle divine¹.

Ils ont peut-être touché à certains aspects de la religion, mais ils ont totalement manqué la cause métaphysique du lien de l’homme à la religion : un mystère inexplicable, une singularité centrale de notre existence, que seule la religion a su reconnaître, même si la science moderne n’a pas encore saisi cela. C’est cette profonde énigme qui explique l’obsession humaine pour la foi.

Les récits de l’Arbre Défendu, de la Chute d’Adam, et des jinns, tels que je les ai analysés à la lumière de la science moderne, renforcent la simplicité de la véracité des révélations abrahamiques et muhammadiennes. Ces histoires, souvent perçues comme des mythes ou des contes, sont en réalité des messages divins allégoriques, destinés à l’humanité pour révéler une réalité transcendantale à des fins spirituelles. Si elles étaient mystérieuses pour nos ancêtres pré-modernes, elles restent puissantes et porteuses de sens, pour nous aussi, sans perdre leur force symbolique et spirituelle.

Comme je l’ai montré dans ce livre, révélation, raison et science ne sont pas incompatibles en soi : il n’existe pas de contradiction entre la révélation originelle et la connaissance scientifique. La révélation constitue notre porte d’accès à une dimension transcendante. En la rejetant ou en la discréditant sous prétexte de rationalisme provincial et de modernité, l’humanité s’éloigne de la clé nécessaire pour comprendre ce qu’elle est vraiment, avec des conséquences désastreuses pour sa quête de vérité.

Ceci est un extrait d’un ouvrage récent du Dr Serkan Zorba, intitulé L’Arbre Défendu et les Jinns : Une Interprétation Moderne. Le Dr Zorba est professeur de physique au Département de Physique et Astronomie du Whittier College, en Californie, USA.

Parmi les mystères et symboles les plus séduisants du Coran, figurent ceux des jinns, de l’Arbre Défendu, et de l’expulsion d’Adam et Ève du paradis (également appelée la Chute ou la Chute de l’Homme). Malgré leur importance pour la religion et la culture islamique, et face à l’essor des sciences modernes, la compréhension contemporaine de ces thèmes chez les musulmans reste encore floue. La nouvelle interprétation que je propose s’appuie sur une lecture attentive du Coran et des Hadiths, en intégrant la physique, la microbiologie, l’écologie microbienne, la géochimie et la science émergente des microbiotes.

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