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La guerre de juin : Israël, Iran, États-Unis et l’effondrement de la crédibilité occidentale

En juin 2025, le Moyen-Orient a de nouveau été plongé dans le chaos, cette fois suite à une offensive israélienne non provoquée contre l’Iran, soutenue par les États-Unis. Ce qui a suivi n’a pas uniquement été une confrontation militaire, mais également une crise diplomatique et morale qui a mis en lumière les doubles standards de l’Occident, ravivé les appels à la résistance, et modifié l’équilibre des puissances dans la région. Cet article explore l’origine, les objectifs et les conséquences de cette attaque menée par Israël, ainsi que ce qu’elle révèle sur l’avenir de la diplomatie, de la dissuasion et de la domination dans cette zone.

Les origines de l’escalade : la lutte contre le programme nucléaire iranien

Au cœur de cette montée de tensions se trouve la campagne de longue date d’Israël visant à détruire le programme nucléaire iranien, un objectif que le Premier ministre Benjamin Netanyahu poursuit depuis plus de trente ans. En avril 2025, il a exigé que les États-Unis déploient des bombes à fragmentation pour détruire la centrale souterraine de Fordo en Iran. Cette demande a finalement été exaucée : des bombardiers américains ont lancé leur charge utile sur les sites nucléaires stratégiques de Fordo, Natanz et Ispahan.

Une attaque israélienne non provoquée

Comme cela est souvent le cas au Moyen-Orient, l’escalade a commencé avec Israël. Le vendredi 13 juin, Israël a lancé une offensive brusque en territoire iranien, violant ainsi le droit international. Selon les médias iraniens, au moins 627 personnes ont été tuées, et 4 870 autres blessées durant cette période de conflit, du 13 au 25 juin. Parmi les victimes figurent dix scientifiques nucléaires et quatre hauts commandants militaires.

Les assassinats ciblés des scientifiques nucléaires

D’après le Times of Israel, le renseignement israélien considérait l’élimination des scientifiques nucléaires iranien comme l’élément central de l’Opération Narnia. Contrairement aux chefs militaires ou au matériel, ils soutenaient que les connaissances scientifiques sont beaucoup plus difficiles à remplacer. Les dix scientifiques auraient été assassinés dans leur sommeil, lors d’attaques coordonnées visant à éviter toute alerte préalable. Un haut responsable israélien a confié à la chaîne Channel 12 que ces cibles avaient été identifiées dès novembre 2024, suivies pendant des mois, puis éliminées en une seule nuit, croyant ainsi assurer leur sécurité.

Pionnier dans ses opérations, Israël n’en est pas à sa première action

Ces types d’attaques se sont déjà produits auparavant. Le 1er avril 2024, Israël a effectué une frappe aérienne contre le complexe de l’ambassade iranienne à Damas, en Syrie, détruisant le bâtiment abritant la section consulaire. La même année, le 31 juillet, le chef politique de Hamas, Ismaël Haniyeh, ainsi que sa garde rapprochée, ont été assassinés lors d’une attaque israélienne à Téhéran.

Réactions et conséquences immédiates

À peine vingt-quatre heures après cette opération, le président Donald Trump, affichant une certaine arrogance impériale, a déclaré que l’Iran avait perdu la guerre et a exigé une reddition immédiate. Cependant, l’Iran a riposté en lançant des missiles en profondeur pour cibler Israël, dévoilant ainsi sa vulnérabilité et sa dépendance au soutien américain.

Les enjeux derrière la posture de Trump

Si Trump espérait voir l’Iran capituler, il a été rapidement démenti : l’Iran a continué de résister. Ancien critique des guerres sans fin menées par les États-Unis et de l’invasion de l’Irak, l’ancien président a abandonné ses alliés conservateurs anti-guerre comme Marjorie Taylor Greene, Steve Bannon ou Tucker Carlson, en se rapprochant du lobby pro-israélien, qu’il avait jusque-là résisté à soutenir. Ce changement témoigne du contrôle accru de ce lobby sur la politique américaine.

Depuis 1992, Netanyahu affirme que l’Iran était à quelques semaines de la bombe nucléaire – une assertion qui s’est révélée infondée, puisqu’aucune arme de ce type n’a été retrouvée ni par l’AIEA ni par d’autres agences d’espionnage.

Objectifs stratégiques et ramifications

Après avoir dévasté Gaza lors d’une campagne qu’on qualifie de génocidaire, Netanyahu a tourné son regard vers l’Iran, en publiant ouvertement son ambition de changer le régime. Mais ces ambitions sont non seulement imprudentes, elles sont aussi vaines : la réponse iranienne a permis de renforcer la solidarité nationale et de prouver que, si l’attaque contre ses sites nucléaires peut retarder le programme, elle ne peut pas effacer le savoir scientifique, qui continue de se transmettre et de se renouveler. Historiquement, éliminer dix scientifiques ne fait qu’encourager la formation de centaines de nouveaux spécialistes.

Au lieu de dissuader l’Iran, ces frappes risquent plutôt de pousser Téhéran et d’autres nations à suivre la voie de la Corée du Nord : secret, accélération du développement, défiou. L’Iran pourrait également continuer à suivre la politique d’ambiguïté nucléaire qu’Israël a adoptée, mêlant dissimulation et rejet de toute négociation sérieuse. La campagne militaire israélienne contre l’Iran poursuivait quatre objectifs stratégiques :
– Neutraliser ses capacités nucléaires ;
– Frapper sa capacité de riposte ;
– Inciter des troubles internes et fragiliser le régime ;
– Assurer la suprématie d’Israël comme puissance militaire régionale.

Une théorie du complot renouvelée : le rôle de figures dissidentes et pro-occidentales

Un personnage familier refait surface dans le discours occidental : Reza Pahlavi, le fils exilé du dernier monarque iranien, qui s’est positionné comme une figure de transition vers un Iran post-républicain islamique. Cependant, son héritage est indissociable de l’histoire autoritaire de l’Iran, dominée par son père Mohammad Reza Shah, qui gouvernait d’une main de fer, réprimant toute opposition via la SAVAK, police secrète, et aggravant les inégalités sociales sous prétexte de modernisation.

La tentative de coup d’État de 1953, provoquée par la CIA et le MI6 pour rétablir le Shah au pouvoir après le renversement démocratique de Mossadegh, reste une blessure ouverte dans l’histoire iranienne que Pahlavi n’a jamais vraiment cicatrisée. Pour la majorité des Iraniens, ceux qui sont à l’intérieur du pays comme ceux de la diaspora, il incarne une régression plutôt qu’un espoir. Son alignement avec les factions pro-zionistes et anti-iraniennes le coupe davantage de son peuple, alimentant la méfiance.

Cela soulève des questions éthiques et stratégiques : un leader soutenu par des puissances étrangères, sans véritable soutien populaire, peut-il apporter une gouvernance démocratique dans un pays de 92 millions d’habitants aux souvenirs lourds d’ingérences ? Ou s’agit-il encore une fois d’un changement de régime motivé principalement par des intérêts extérieurs, plutôt que par une légitimité interne ?

Les efforts diplomatiques sous tension

Au moment où des négociations diplomatiques avaient été engagées entre Téhéran et Washington, celles-ci ont été brusquement interrompues par l’attaque israélienne. Ces négociations, qui auraient pu aboutir à un nouvel accord nucléaire, ont été délibérément précipitées dans un contexte de stratégie de déstabilisation. Peu après l’attaque, Trump a appelé à un cessez-le-feu, évoquant la possibilité de négociations, tout en accusant la situation de devenir ingérable pour ses succès diplomatiques.

Il a conseillé à Netanyahu de chercher une solution diplomatique avec l’Iran, après avoir ordonné le bombardement américain et constaté que les frappes initiales avaient paradoxalement renforcé la cote intérieure du régime iranien. Un fragile cessez-le-feu s’est instauré, malgré des revers initiaux, la présidence Trump semblant oscillant entre la tentation de renforcer la militarisation et celle de promouvoir la diplomatie.

Une hypocrisie occidentale démasquée

Ce qui est particulièrement révélateur, c’est l’hypocrisie flagrante de l’Occident. Alors que l’Union européenne condamne la invasion russe de l’Ukraine, ses dirigeants applaudissent les frappes israéliennes contre l’Iran. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a réaffirmé le « droit de défense » d’Israël, tandis que le chancelier allemand Friedrich Merz a loué Israël pour faire « le sale boulot » de l’Europe, avouant ainsi le rôle de l’État hébreu comme avant-poste occidental dans la région.

Ce double standard n’est pas nouveau. Dès 1986, Joe Biden déclarait que si Israël n’existait pas, il faudrait le « créer » pour protéger ses intérêts. En tant que président, il a appliqué cette logique, ignorant la réalité du génocide à Gaza et évacuant toute question sur les droits palestiniens de l’agenda international.

Le collapse moral et diplomatique de l’Europe ne passe pas inaperçu»,alertent deux figures respectées : Mohamed ElBaradei, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, a critiqué la Allemagne pour son soutien aux frappes israéliennes sur les sites nucléaires iraniens, rappelant que ces actions violent la Convention de Genève et la Charte de l’ONU. De leur côté, Francesca Albanese, rapporteur de l’ONU pour la Palestine, a dénoncé l’indignation sélective du président Macron, qui a proclamé la « légitime défense » d’Israël, en blanc-seing pour une injustice flagrante.

Une inégalité face aux violations humanitaires

La communauté internationale affiche une hypocrisie criante : alors que bombarder des hôpitaux est considéré comme une ligne rouge — sauf lorsqu’Israël s’en empare. Lorsqu’un missile iranien a touché près de l’hôpital Soroka à Beer-Sheva, les responsables israéliens ont réagi avec indignation. Le chef de la défense israélienne a accusé l’Iran de crimes de guerre et affirmé que le Guide suprême Khamenei serait tenu responsable. Depuis le 7 octobre 2023, Israël a lancé plus de 700 attaques sur le système de santé de Gaza, laissant des hôpitaux comme Al-Shifa ou Nasser en ruines.

L’écart entre la réaction face à Beer-Sheva et l’inaction face à Gaza est saisissant : d’un côté, les pleurs pour Beer-Sheva ; de l’autre, le silence total sur la souffrance des civils à Gaza. En juin 2025, Israël aurait également frappé cinq hôpitaux iraniens, touchant les établissements de Kermanshah, Téhéran et d’autres régions. Les hôpitaux pour enfants, tels que Hakim à Téhéran, ont été pris pour cibles, causant morts et blessés chez le personnel et les patients. Pourtant, la majorité des chefs occidentaux reste muette.

Une confrontation systémique : Israël versus Iran

Ce conflit dépasse largement une rivalité régionale ; il incarne une lutte pour la vision future du Moyen-Orient. D’un côté, un Israël armé de l’arme nucléaire, soutenu par les États-Unis et l’Europe, porteur d’un rêve messianique de domination territoriale s’étendant du Nil à l’Euphrate. Dans cette conception, la vie des Palestiniens est considérée comme sacrificiable, et la prééminence régionale comme l’objectif ultime.

De l’autre côté, l’Iran, accru par des menaces externes permanentes, notamment de Washington et de Tel-Aviv, se voit comme le protecteur de l’Islam et de sa souveraineté. Face à l’oppression extérieure, il revendique sa capacité nucléaire comme un droit souverain inaliénable. La poursuite de ses ambitions nucléaires ne sera pas freinée par une seule défaite, car il considère cette quête comme enracinée dans sa souveraineté nationale.

Ce combat oppose donc deux visions irréconciliables : celle d’un projet colonial, fondé sur la confrontation, l’occupation et la domination, contre celle d’un rejet légitime de l’intervention étrangère, portée par des résistances populaires, une quête de justice et la souveraineté nationale.

Une route incertaine vers la paix

Seul le temps dira laquelle de ces visions l’emportera. La trêve observée actuellement avec l’Iran ne sera pas nécessairement durable : Israël a une longue histoire de rupture de cessez-le-feu lorsque ceux-ci ne servent plus ses intérêts stratégiques. Tant que l’obsession d’un « Eretz Israël » – territoire allant du Nil à l’Euphrate – habite encore ses Imaginations politiques, le cycle de provocations et de violences ne pourra être qu’intensifié.

Ce qui est certain, c’est que l’impasse actuelle ne saurait durer. La poursuite de la violence et des stratégies de déstabilisation, alimentées par des intérêts étrangers, risquent d’ancrer durablement cette nouvelle ère de conflit, au grand détriment d’un avenir pacifié dans la région.

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